Ce sont des scènes apparemment simples de la vie quotidienne dans lesquelles tout le monde se reconnaîtra (éducation des enfants, dialectique Mac/PC…), que l’auteur raille les bons sentiments avec tact et autodérision. Le dessin plein de vie au trait dynamique et personnel est superbe, l’humour est fin, le tout réjouissant.
Autant j’ai pu pleuré en lisant Trois ombres, avec Auto Bio, j’ai franchement ri ! Comment réussissez vous ce grand écart entre le rire et les larmes ?
Cyril Pedrosa : J'essaie juste de faire les livres dont j'ai envie, avec sincérité. Ce qui ne garantit pas de les réussir bien sûr, mais ça me donne une « ligne à suivre ». Disons qu'essayer d'être sincère dans son travail, c'est une « condition nécessaire mais pas suffisante », comme on dit en mathématiques. Je suis comme tout le monde, j'aime rire, pleurer, être surpris, me distraire, apprendre ou juste m'amuser avec des copains : cela crée simplement plein d'envies différentes de faire des livres.
Autre style, autre maison d’édition ? Le sérieux c’est Delcourt, le léger c’est Fluide ?
C'est plutôt pour chaque livre « quelle serait la maison d'édition dans laquelle ce projet aurait le plus sa place ? ». Toutes ont des catalogues différents, des collections qui « appellent » plus ou moins certains projets. Ce qui est certain, c'est que j'ai besoin de cette liberté de passer de l'un à l'autre, de travailler avec des gens différents. C'est aussi tout simplement une affaire de rencontre : si je n'avais pas croisé Thierry Tinlot, je n'aurai pas pensé à repartir sur cette idée de chronique autour de l'engagement écolo. J'avais cette envie, mais je ne trouvais pas le bon angle.
Tout ce qu’on y lit est-il vrai ?
C'est un des aspects amusants des récits revendiqués comme autobiographiques : on peut jouer sur la vérité et sa représentation, même dans un livre qui se veut divertissant. Alors, pour vous répondre, tout est vrai, et tout est faux : rien ne s'est jamais exactement passé de cette façon là, je fais des choix, je transforme, je mets en scène, je coupe, je remonte, j'exagère, je concentre les évènements... Au final, quand je fais lire les pages à mon entourage, je crois qu'ils y retrouvent ce que nous avons vécu ensemble.
L’exercice de l’histoire en une page est-il difficile ? Y a-t-il plus de pression à travailler pour un mensuel en ce qui concerne les délais ?
Il n'y a pas plus de pression que lorsqu'on a un livre à rendre à une certaine date. J'ai fait mes pages à mon rythme, un peu plus soutenu à la fin parce qu'il fallait assurer la sortie du livre en avril, mais j'avais toujours beaucoup de pages d'avance par rapport à ce qui était prépublié. Mais effectivement, le plus difficile, c'est de raconter une histoire en une page ou deux, qui parte du réel tout en étant rythmée et amusante. C'est un gros travail d'écriture, chaque mot compte, chaque détail compte en fait, pour ne pas basculer de la légèreté vers le vide. Je prends régulièrement des notes, et j'écris a posteriori, pour avoir la distance dont j'ai besoin pour ne pas rester collé au réel : ce qui est drôle ou intéressant dans la vie ne l'ai pas forcément en bande dessinée. Lewis Trondheim est un maître en la matière.
A quand un éco-blog de Cyril Pédrosa ?
Ca ne m'attire pas beaucoup, l'idée de faire un blog. Si c'est pour faire du militantisme écolo, je préfère autant aller coller des affiches et soutenir des combats politiques. Et si c'est pour faire de la bande dessinée, pour l'instant je préfère faire des livres.
Une question que tous les lecteur se posent : Sardine a-t-elle été retrouvée ?
Eh non, cette pauvre Sardine n'a jamais été retrouvée. On avait collé des affiches dans le quartier, on nous a même amené un chat errant à moitié fou qui lui ressemblait, mais ce n'était pas elle...
Si vous deviez faire découvrir la bande dessinée à un ami, laquelle lui offririez-vous ?
Houlala, c'est impossible de répondre à ça. Quand on fait des cadeaux à des amis, c'est en fonction de ce que l'on connait d'eux, de leurs goûts...J'ai un voisin-ami qui est un grand lecteur de « livres », plutôt universitaire, cultivé, mais assez curieux: il ne connaissait pas bien la bande dessinée, alors j'ai commencé lui ai prêter des livres aussi différents que Pourquoi j'ai tué Pierre, Black Hole, Les mauvaises gens, et puis je lui ai offert récemment le Acme Novelty de Chris Ware... Je crois que tout ça lui a plu. Mais j'ai offert aussi du Matthieu Bonhomme, du Lisa Mandel, ça dépend des amis....