de anaxarque » 08/01/2012 17:39
Nankin permet de revenir sur une page sombre du siècle passé, l’invasion sanglante de la Chine par l’armée impériale japonaise et le terrible sac de Nankin. Madame Xia Shu Qin nous livre ici son témoignage, celui d’une dame aujourd’hui âgée qui a vécu et survécu à ces évènements. Si l’armée japonaise ne tient pas un rôle positif, loin s’en faut (l’épisode des « femmes de réconfort » est particulièrement terrible) je n’ai pas ressenti de haine particulière de cette dame pour le Japon en tant que nation, peuple et culture.
Ce livre raconte son combat : faire condamner les livres révisionnistes scolaires utilisés dans les écoles qui nient la réalité ou la gravité des faits et, enfin, être reconnue, non pas seulement au Japon, mais aussi en Chine comme une victime de la guerre.
En lisant les premières planches, j’ai craint que le livre fut ouvertement antijaponais, mais il n’en est rien, la formidable postface montre à quel point le massacre de Nankin fut instrumentalisé par la Chine Communiste et le Japon contemporain, le premier exagérant le massacre à des fins géopolitiques, le second niant l’évènement.
Or, ce double révisionnisme a comme conséquence que l’on en oublie les acteurs du drame, à savoir les victimes (comme la petite fille devenue vieille dame dont on ne s’étonne pas qu’elle désira aider le Japon après Fukushima), les bourreaux dans leur folie et leur ivresse homicide et les quelques justes comme Rabbe, l’ambassadeur de l’Allemagne nazie qui pour avoir hébergé des nankinois dans son ambassade fut rappelé à Berlin…
Au fond, pourquoi est-on et devient-on un bourreau ? Pourquoi est-on et devient-on un juste ? Comment vit-on après avoir vécu l’innommable ?
Le soldat japonais ivre qui tue et viole, la petite fille qui tente de se cacher, ou l’ambassadeur qui désobéi à Berlin ont agi dans l’instant, jamais ils ne sont projeté dans l’avenir, jamais ils ne se préoccupés de ce que l’on penserait de leurs actes 70 après, pourtant, ce sont bien eux qui ont fait l’histoire, pas les manuels historiques ou les déclarations officielles…
Une belle BD, vraiment, j’ai beaucoup aimé l’usage de couleurs dominantes pour illustrer le présent et le passé, ainsi que la retenue dans les pires scènes, on expose l’horreur sans sombrer dans un voyeurisme obscène.
"On Friday night, a comedian died in New York. Someone threw him out a window and when he hit the sidewalk his head was driven up into his stomach. Nobody cares. Nobody cares but me. " Roarshach's Journal, 13/10/1985.