de dsd9d » 21/08/2006 22:15
Bonjour,
suis scénariste pro (sur des dessins animés) et je viens du journalisme.
Je pousse un petit cri (oh, bien modeste... Je ne m'emballe que pour mes histoires !) suite à ma difficulté de trouver un dessinateur qui aille jusqu'au bout d'un projet.
Je vais donner quelques exemples (et non, pas de noms, je ne suis pas du genre...).
1. Il y a les "tout feu, tout flamme" qui durent le temps d'une allumette, ou plutôt le temps d'un premier contact, qui sont super enthousiastes par tes idées, tes synopsis et qui au bout de 2 mails rompent tout contact.
2. Si ce premier cas est passé, tu commences à développer une histoire en collaboration avec un dessinateur avec lequel le courant passe bien, attendant avec enthousiasme des dessins qui viennent te nourrir dans ton écriture.
Et là frappent les : "pas de soucis, je bosse je bosse ..." et qui doivent se crever à la tâche car ce type de personnes disparaît corps et âmes sans plus donner de nouvelles (il faut donc croire que c'est un métier dangereux que de vivre le crayon à la main...). A mon échelle, c’est un cimetière que j’ai dû remplir de dessinateurs de cette envergure…
3. Il y a sinon ceux qui avancent, mais qui sont tellement "immatures" et je mets bien immature entre " " car c'est plus un problème de perception du travail, donc de savoir se contenter d'un certain taux d'insatisfaction / à son travail pour le soumettre à des éditeurs, ou tout simplement en dehors d'un cercle de proches qui forcément, même s'ils ne sont pas stupidement ébahis, seront tout de même sympathique envers « l’artiste de la famille ». Ce type de dessinateur jure que jamais ! Jamais, il ne saura montrer à un éditeur un travail dont il ne soit à 100 % satisfait... Ce qui au final à mes yeux revient plutôt à :
- soit ne pas comprendre qu'une carrière commence à un point A pour aller vers un point B et qu'entre les deux la marge de manœuvre est monumentale. Mais pour cela il faut bien commencer un jour, donc se lancer ! Je prends pour exemple n'importe quel dessinateur que l'on admire : regardez ses premières BD, ses premiers boulots pro... Rien n'était génial, le potentiel était là, mais il aura surtout eu les coui*** d'y aller !
- se révéler à soi même, comme lors d'un entraînement militaire un gars découvre qu'au final, il n'a pas ce qu'il faut pour y aller ! Il rêvait d'être parachutiste, fait toutes les démarches pour, s’entraîne physiquement, s’engage dans l’armée qui décide logiquement de le tester. Hélas pour notre enthousiaste, au moment de sauter, il est totalement bloqué par le vertige. Ce n'est pas une question de peur, cela la dépasse, je ne jette pas la pierre, ni ne condamne, on peut être parfois persuadé de vouloir une chose et au final (presque malgré soi) être totalement incapable de l'obtenir.
Ce boulot même s'il fait rêver est cruel au fond, car peu réussissent à vivre leur rêve.
4. Il y a enfin le dessinateur idéal, le gars qui est tellement bon, que tu te demande pourquoi il ne bosse pas encore. Alors toi tu commences à le faire avec lui. Tu passes, le point 1, le 2... Arrive le moment critique du 3... Incroyable le gars est tjs aussi droit dans ses shoes qu'au début, il bosse pleinement en collaboration, apporte des millions d’idées, les RDV sont tjs dans la bonne humeur, le synopsis est fini, le découpage aussi, les dessins avancent, bientôt on pourra finaliser le projet le montrer à un éditeur et là ! Le ciel te tombe sur la tête ! Un scénariste déjà dans la place le contacte, ce scénariste publie déjà 300 séries et il en a une 301eme en tête. Alors logiquement il la propose autour de lui et tombe sur « ton » dessinateur…
Discussions, questionnements… Logique, je l'encourage à aller bosser avec le scénariste connu (oh, je suis pas un saint, c’est juste que je suis réaliste. Avec moi, même si mes projets sont bons et finiront je l’espère par être publiés, il ne pouvait qu’avancer dans l’incertitude, alors qu’avec ce scénariste connu, il franchit tous les obstacles : il est introduit.)
J’avoue, je suis frustré de cette dernière expérience, jaloux que l’on m’ait piqué un dessinateur avec lequel je le pense j’allais pouvoir atteindre la publication, ou tout du moins pouvoir faire lire mes synopsis à des éditeurs qui sans cela ne liraient pas mes projets.
Et oui… Les éditeurs ne recherchent que des dessinateurs avant des histoires… Un dessinateur peut montrer son book, un scénariste ne verra jamais ses synopsis lus par un éditeur (et c’est aussi vrai auprès de producteurs TV ou Ciné, à moins d’être introduit, d’avoir –gros malaise typiquement français- : du piston)
Enfin bon, voilà... Je suis tjs dans la merde avec mes histoires dans mes tiroirs et mes insomnies. Je suis toujours autant porté par l’écriture qu’au début. Je reste persuadé que je fais du bon boulot et qu’il ne me manque qu’un dessinateur qui finalise avec moi un projet…
Je n'ose trop relire ce texte de peur de le zapper, ou d'y voir du jugement de la prétention. J'ai juste essayé d'être honnête sans esbrouffe. J'aimerai être un R2D2 et lancer un "au secours Obi Wan", j'aimerai bien bosser avec un dessinateur qui se donne vraiment les moyens de ses ambitions !
PS : j’ai surtout parlé de l’aspect travail dans le binôme scénariste / dessinateur. Ce n’est heureusement pas que cela, c’est avant tout une aventure humaine qui arrive à faire rêver 2 personnes qui rêvent à leur tour d’en faire kiffer des milliers d’autres…