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atie et Simon viennent de se marier. Ce devait être le plus beau jour de leur vie, la concrétisation de leurs rêves d'amour, de bonheur et d'indépendance. Ce ne sera que le début de leurs malheurs. Car Simon est chinois et il lui est difficile de se faire une place à Hong Kong : le travail, l'honnêteté et la bonne volonté ne suffisent pas à se faire accepter par la famille de son épouse. Une famille dirigée d'une main de fer par ce grand-oncle dictateur, absent mais bien présent dans tous les esprits. Même le petit Hung, fruit des amours de Katie et Simon, suscitera la convoitise de cette figure dominatrice.
Dans la première partie de son histoire, Ville Tietäväinen nous offre un récit poignant, celui de deux jeunes qui s'aiment et n'ont que la fuite pour échapper à l'emprise d'une famille qu'ils détestent et à des codes de conduite qui leur rendent la vie impossible. Et pourtant, ces malheurs qui se succèdent n'empêchent pas les deux amants de connaître des moments de grande joie qu'ils nous communiquent sans peine. Mais ils n'ont finalement pour effet que de rendre leur sort plus injuste encore. De ce récit placé sous le signe de la tristesse, l'auteur fait une leçon de vie, de courage et d'abnégation : la démonstration de l'amour fou que l'on peut ressentir pour son enfant et la volonté irrépressible de remuer ciel et terre pour lui offrir un avenir radieux, loin de la misère quotidienne.
Dans la deuxième partie, nous restons à Hong Kong, lors des émeutes qui mettent les rues à feu et à sang à l'approche de la rétrocession. C'est à cette occasion qu'un pauvre homme d'origine vietnamienne tente de s'enfuir avant d'être arrêté par la police et séparé de sa femme et de sa fille. Avant qu'il n'ait pu les retrouver, il sera emmené dans un hôpital pour y subir une opération au cerveau. Pourquoi ? Pour qui ? Toujours est-il que les protagonistes de ses deux histoires parallèles finiront par se rencontrer.
L'auteur pointe ici du doigt les travers de la société contemporaine et les agissements bassement mercantiles d'une certaine fange de la population, toujours prête à tirer profit du désespoir des petites gens. Le récit pose enfin la question de la responsabilité personnelle : une action que l'on destinait à sauver une vie peut-elle s'avérer désastreuse et conduire à la mort d'une autre ?
Des oiseaux, des mers est une œuvre dense, pleine d'interrogations et qui pose un regard acerbe sur certains des aspects les moins reluisants de l'humanité. Mais sa lecture est parfois entravée par un manque de clarté récurrent : il n'aurait pas été inutile de donner une explication claire et précise du contexte géopolitique de l'histoire. En outre, certaines longueurs se font régulièrement sentir, si bien que l'auteur peine par moments à maintenir notre intérêt : certains passages auraient pu être évités et les enchaînements entre les différentes scènes ne se font pas toujours sans difficulté.
Il n'en est pas moins vrai que cet album est d'une grande originalité et donc chaudement recommandé à tous ceux qui veulent découvrir une œuvre à part dans le paysage de la bande dessinée et qui sont sensibles aux sujets qui y sont traités. Sur ce récit flotte en effet un parfum d'authenticité qu'on aimerait retrouver plus souvent, notamment grâce à un graphisme d'une grande beauté. La façon qu'a Ville Tietäväinen d'installer des ambiances très particulières est fort séduisante : celles-ci fascinent par leur démesure qui, paradoxalement, n'atténue pas leur côté intime et confiné.
Des oiseaux, des mers se termine donc sur une note résolument positive, malgré les rares défauts qui nuisent quelque peu à son efficacité. Le caractère à la fois tragique et étrangement poétique de ces tranches de vie pourrait bien vous émouvoir.
Hong Kong, 1996. Nous suivons le parcours d’un jeune couple, forcés de se marier par l’arrivée soudaine d’un bébé. Redevable matériellement envers un oncle, dont ils deviennent les serviteurs, ils cherchent désespérément à fuir la pression familiale.
Un récit émouvant et tragique par un auteur finlandais.