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uand on lui annonce que son père est dans le coma, elle ne peut réprimer un sentiment de joie et de profond soulagement. Alors elle va à son chevet et elle lui parle, elle lui parle de ce que fut sa vie à dater de cette nuit où, pour la première fois, il délaissa le lit conjugal pour aller se blottir contre elle et lui témoigner d'un amour trop envahissant.
Elle lui raconte tout ce qu'elle a sur le cœur et nous prend pour témoins car, plus que tout, elle souhaite se délester d'un poids qui, toute sa vie durant, n'a cessé de lui faire mal. Elle lui explique comment elle a pu continuer à vivre avec ce lourd secret qu'elle souhaite aujourd'hui dévoiler et lui montre l'ampleur de ce drame qu'elle a vécu.
Ce livre-témoin est d'une grande sobriété et parvient à traiter ce sujet si délicat avec beaucoup de retenue et de sensibilité. L'attachement que l'on porte à cette femme meurtrie, à cette enfant privée de son innocence, fait naître en nous un sentiment de tristesse, d'injustice et de désespoir. Pourtant, loin de s'apitoyer sur son sort, elle veut continuer à vivre, comme pour lui montrer qu'il n'est pas parvenu à la détruire. Ce sera sa victoire.
Tout comme le texte ne parle jamais qu'à demi-mots, le dessin, à la fois très simple et porteur d'émotions, voile une réalité bien trop réelle derrière une pudeur de bon aloi. A quoi bon une image si crue, finalement si réaliste, alors que la tristesse et la cruauté de l'histoire sont déjà si palpables? Les auteurs l'ont bien compris et ne cherchent pas à tout montrer. Au contraire, ils se font les plus distants possible, laissent la place au personnage principal : c'est son livre plus que le leur, c'est son témoignage. Pour souligner le caractère humain de ce récit intime, les décors se font discrets et les traits épurés, les détails disparaissent pour laisser la place aux sentiments, forts, vrais, poignants, qui font de ce livre une merveille de sensibilité.
Bouleversant, à la fois terrible et plein d'espoir, de toute façon indispensable.
J'aime quand la bd ne traite pas que de choses légères et futiles. Cependant, encore faut-il que cela soit réussi ! Or, cet exercice est rendu beaucoup plus difficile justement à cause de la gravité du sujet. En l'espèce, c'est époustouflant de réussite.
Là où Pourquoi j'ai tué Pierre a quelque peu échoué, "elle ne pleure pas , elle chante" réussit son pari. L'oeuvre est bien entendu bouleversante de sincérité et de justesse. Elle prend véritablement aux tripes. Ce récit est vécu comme un soulagement et non comme une rancune tenace.
Derrière un titre tout en douceur, se cache une réalité moins reluisante. L'amour peut être destructeur et criminel. On ressort quand même de cette lecture avec un sentiment d'espoir pour l'héroïne qui n'est autre que l'écrivain du roman qui signe la préface.
Une des meilleures bd intimistes que j'ai pu lire ces dernières années.
Un récit poignant sur un sujet difficile : l’inceste. La BD est l’adaptation du roman d’Amélie Sarn et c’est assez bien repris de la part de Corbeyran. Celui-ci décrit avec justesse et sans fioritures ce drame dont on ne peut être insensible, c’est évident. Le dessin assez neutre fait penser à de la sérigraphie et convient bien à l’esprit froid et peu joyeux de l’histoire. J’ai bien aimé la dernière case très astucieuse et intelligente de la part du dessinateur où l’on peut apercevoir un petit point blanc (une lueur d’espoir) dans l’œil de Laura (la victime) alors que d’habitude les yeux sont dessinés/représentés par de simples points noirs avec peu d’expressions. Respect.