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Sandman 1. Préludes & Nocturnes

08/07/2004 13683 visiteurs 8.0/10 (9 notes)

Enfin, Burgess possède le grimoire tant recherché… Enfin, sa folie la plus téméraire va pouvoir se réaliser… Enfin son rêve le plus fou va devenir une réalité… Capturer la mort! Mais ce n'est pas Death qu'il attire dans ses filets mais son frère Dream. Après 70 ans de patience et de captivité, il parviendra à s'évader mais devra récupérer trois objets qui lui furent dérobés: son heaume, sa bourse et son rubis. Trois objets qui contiennent un peu de lui-même, un peu de son pouvoir.

Dans ce premier volume, c'est véritablement Sandman (ou Dream, ou Morphée... qu'importe son nom, il est le façonneur des rêves) qui est au cœur de l'intrigue, sa quête servant de fil conducteur entre les différents chapitres. Neil Gaiman nous présente ainsi un personnage hors du commun. Le Seigneur des Rêves a des pouvoirs, beaucoup de pouvoirs même, mais une fois éloigné du Rêve et privé de ses attributs, sa puissance s'affaiblit et c'est un héros diminué que nous suivons. Souffrant, perdu, désemparé, craintif… il n'a rien de cette assurance sans faille qu'affichent certains héros de papier. Si l'on peut décemment le considérer comme un dieu, il n'en reste pas moins profondément humain. Ses forces comme ses faiblesses lui donnent une certaine humilité réconfortante.

Neil Gaiman impressionne tout au long de l'album. Non seulement par la cohérence de son univers qui englobe pourtant une multitude de cultes et de mythes différents, mais aussi par sa faculté à raconter une histoire en changeant continuellement de point de vue. Si c'est bien autour de la quête de Morphée que s'articule le récit, chaque partie est abordée dans les yeux de ceux qui se trouvent sur sa route. L'auteur développe donc le caractère et la personnalité de tous les personnages secondaires qui peuplent ces pages. Au final, nous avons une histoire riche et intelligente mais qui demande une certaine implication de la part du lecteur. Il lui faudra mettre de côté tout réalisme pour se laisser porter par la folie de Gaiman. Une folie, le terme n'est pas trop fort, mais une folie qui confine au génie.

Si l'univers de Sandman paraît si difficile d'accès, c'est aussi à cause de son graphisme. Les trois dessinateurs qui se succèdent au fil des pages opèrent tous dans le même registre. Prenant le parti d'une originalité outrancière et d'un hermétisme assumé, ils font régner le chaos sur leurs planches. Accompagnées de couleurs franches et uniformes, celles-ci ne procèdent en effet que très rarement d'un découpage traditionnel. Ici, les illustrations pleine page sont légion et particulièrement glauques quand elles dépeignent les plans infernaux. Les cadrages s'accordent avec la démence des personnages qui, tourmentés à l'extrême, sont aussi désemparés que les lecteurs qui abordent pour la première fois cet univers déjanté.

Il est impensable de ne pas parler des couvertures de Dave McKean. Revenant en tête de chaque chapitre, elles donnent une impression d'ordre, de calme et de beauté objective qui contraste avec les planches débridées de cet album. Le sens graphique de ce très grand artiste n'est plus à démontrer.

Ce premier tome, curieusement édité par Delcourt après les numéros quatre et onze, est donc le véritable début de la série et se révèle impressionnant. Tout simplement parce que les auteurs vont au bout de leur parti-pris, sans compromis, et parviennent à créer une œuvre forte et cohérente. Si les huit tomes qu'il nous reste à découvrir en français sont à la hauteur du premier et de leur réputation, nul doute que Sandman sera un véritable chef d'œuvre.

Par D. Wesel
Moyenne des chroniqueurs
8.0

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