A
Londres, tout est facile. Pour le logement, il y a toujours une vieille connaissance qui sera ravie de vous héberger. Pour gagner sa vie, ce ne sont pas les p’tits boulots qui manquent. Question musique, vie nocturne et même gonzesses, même pas besoin d’en parler. Ça, c’étaient les bons plans que Thibault et Alex avaient en tête à leur départ de Marseille. Une fois sur place, ce n’est pas qu’ils déchantent mais en tout cas il va falloir s’adapter. L’Angleterre du début des années 90, ce n’est pas le pays de cocagne.
Dans London calling, il y a à peu près tout les ingrédients qui peuvent conduire à un scénario catastrophique. En résumé, et dans le désordre : deux jeunes crédules, des situations à l’air de déjà-vu, un humour pas trop méchant ni satirique, un environnement et une époque propices à la critique sociale tracée à gros traits. Entre de mauvaises mains, toutes ces perles alignées peuvent déboucher sur la plus indigeste des comédies qui soit. Et pourtant avec son récit qui prend le temps de développer ses ramifications, qui prend soin ne pas trop appuyer ses effets, qui alterne les phases de galère et d’euphorie pour ses personnages, Sylvain Runberg propose une histoire franchement sympathique, terme désuet mais qui s’applique bien à ce feuilleton. C’est alerte, définitivement bien rythmé, les dialogues sonnent « authentique » sans être plats. Les intrigues connexes au quotidien des frenchies (conflit avec l’I.R.A, organisation de l’offre de travail, situations précaires quel que soit l’âge, montée du hooliganisme etc., le système de santé prochainement ?) sont elles aussi minutieusement introduites, sans que l’exposé se transforme en manifeste. Rien n’échappe au regard de l’auteur, rien ne devrait non plus échapper au lecteur dans la restitution qu’il propose. Lisible au premier coup d’œil sans être transparent sur le fond, c’est bien joué.
Dynamisé par un dessin tout aussi clair et accessible, dans les pas de ses deux protagonistes, London calling continue son petit bonhomme de chemin dans son exploration de la face cachée de la perfide Albion. Enfin cachée, c’est une expression erronée, c’est d’une « dark side » dont il faudrait plutôt parler. Parce qu’honnêtement, il faudrait être aussi naïf que Thibault et Alex, ou franchement mal informé, pour y trouver de véritables révélations. L’aparté très drôle qui clôt l’album ne laisse d'ailleurs pas d’ambigüité sur la prétention des auteurs à propos de la portée de la série en termes d’analyse sociologique ou politique. Un bon point supplémentaire.
Ce deuxième volet, aurait pu déraper voire tomber dans la caricature car en fait tous les ingrédients sociaux sont réunis pour faire de cette aventure une sorte de pudding indigeste. Que ce soit les traffics de drogue, l'IRA, les hoolligans, les problèmes de l'emploi etc Thibault et Alex semblent tombés dans une vraie pétaudière ! Et bien la narration servie par des dessins simples et agréables offre au récit une dimension de comédie grinçante mais sympathique. Le propos ne se prend jamais au sérieux et la conclusion est un joyeux clin d'oeil à l'humour britannique. Ces frenchies sont vraiment "trop cools !!!"