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lors qu'ils souhaitaient devenir samouraïs, Shotaro et Gentaro sont vendus à une secte terrifiante. L'aîné va être sacrifié en combat face à l'une des plus fines lames du clan. Le duel s'avère truqué d'avance afin que le champion s'illustre devant ses supérieurs et les politiques conviés. Refusant de s'avouer vaincu, et avec l'aide de celui qui l'avait précédemment trahi, le jeune garçon s'est entraîné comme il le pouvait jusqu'au jour fatidique. Il est maintenant temps d'affronter son adversaire et de surprendre l'assemblée.
Tsutomu Takahashi apparaît rapidement comme un dessinateur et scénariste prometteur. Il devient l'assitant de Kaiji Kawaguchi (cf Zipang) en 1987. Il débute sa carrière en 1989, déjà accroc au montage très découpé et au goût prononcé pour le suspense intense mêlant personnages aux destins tragiques et différentes époques. D'où l'interêt que lui porte le monde du septième Art, en adaptant plusieurs de ses oeuvres (Sky High, Alive...). A son tour il partage son savoir, avec des élèves aux traits si particuliers qu'ils se sont rapidement faits un nom dans la profession : comme l'excellent Nihei Tsutomu (Blame) ou encore Syuho Sato (Say Hello to Black Jack). C'est surtout son triptyque Blue Heaven qui l'introduit sur le marché de l'Hexagone, avant que le public ne découvre des séries plus longues comme Sidooh (déjà 10 tomes au Japon).
Le contexte historique et politique pendant lesquels prennent place les évènements de la saga sont rapidements présentés dans les premiers tomes. Cette période a déjà inspiré bon nombre de mangaka, c'est pourquoi le scénario doit bien souvent promettre une originalité capable d'entraîner à nouveau le lecteur dans cette époque. L'errance des deux frères n'aura guère duré longtemps avant que les ennuis apparaissent, et le récit ne cesse de s'accélérer. Les deux personnages principaux auront vite rendez-vous avec l'Histoire puisque le gourou Rugi qui les prend sous son aile compte bien se servir d'eux, d'abord pour s'imposer comme une entité politique importante que les puissants devront reconnaître, puis quelques années plus tard pour porter ses idées à coup de katana.
En effet 2 ans passent subitement en milieu de tome, ellipse temporelle qui permet habilement d'éviter la narration d'un l'entraînement intensif et nécessaire trop souvent ennuyeux à conter. Mais en même temps le procédé sert à insérer la fin du protectionnisme japonais de 1858 par Naosuke Li et son assassinat en 1860. Alors que le pays se divise, la secte s'interroge sur le camp à rejoindre. Une fois décidé, Maître Rugi forme un groupe d'assassins, parmi lesquels Shotaro et Gentaro, pour effectuer de nombreuses missions en retrait ou en première ligne des guerres de clans. Le rythme effréné est conforté par le peu de recul alloué aux situations passées. En effet le duo ne semble pas se poser beaucoup de questions, agit plus à l'instinct et servira davantage celui qui lui tend la nourriture et lui fournit un toit plutôt que toute autre chose.
Le dessin est toujours aussi caractéristique, avec des cases très contrastées et un trait vif pour des visages fins qui peuvent faire s'interroger au premier abord sur le sexe des personnages, tant certains comme Kiyozo, paraissent androgynes. Les plus infâmes eux, se reconnaissent assez facilement : leurs regards sont effrayants et ils transpirent la folie.
Tsutomu Takahashi livre ici une excellente oeuvre dramatique, sombre et violente à réserver à un public averti et adulte. Ses héros sont constamment dépassés par les évènements, victimes d'un monde cruel. Ce dernier les priva trop tôt d'une mère incapable de les prévenir à temps, si ce n'est que seule la voie du samouraï les sauverait. Quasiment tous les autres personnages sont vils, manipulateurs ou en proie à de terribles souffrances. La société illustrée regorge de prédateurs, où la lutte des classes est revendiquée par les puissants qui gèrent allègrement les populations démunies à travers des groupes et mouvements religieux pervers cherchant à peser dans les débats nationaux.
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