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riginaire de Saint-Servais, Anatole Le Braz (1859-1926) a passé une grande partie de sa vie à collecter des témoignages ou des contes traitant de l'Ankou, un des symboles des légendes bretonnes. Christophe Babonneau s'est inspiré d'un de ces recueils, La Légende de la Mort, pour présenter dans ce premier tome trois récits indépendants. Leur point commun ? "La grande faucheuse" mais surtout la paix de l'âme après le dernier sommeil.
Le Braz écrivait ceci à propos de l'Ankou : "Il est l'ouvrier de la mort. On le dépeint tantôt comme un homme très grand et très maigre, les cheveux longs et blancs, la figure ombragée d'un large feutre tantôt sous la forme d'un squelette drapé d'un liceul. Dans l'un et l'autre cas, il tient à la main une faux." Ce personnage des traditions bretonnes a déjà été à mis en images à maintes reprises, que ce soit dans la collection Celtic de Soleil avec Les Contes de l'Ankou ou récemment chez Casterman avec La Forêt. Comment La Légende de la Mort peut-elle se distinguer de ses prédecesseurs ?
Certainement par l'origine même de ses nouvelles qui sont toutes issues d'anecdotes glanées au fil du temps. Cette confrontation permanente entre imagerie populaire et réalité donne naissance à des récits authentiques, empreints d'une touche de fantastique très agréable. Les femmes y sont à l'honneur : Marie-Job Kergennou, vieille commissionnaire qui va côtoyer la Mort de très près, Marie-Jeanne Hélary dont le linceul suscite bien des convoitises, ou la jeune Monik qui passera une nuit dans un charnier en échange d'un écu. Ces trois histoires sont toutes de très bonne facture, particulièrement la première : une ambiance lourde et pesante renforcée par la présence du vent et d'une nuit sans lune donne une atmosphère oppressante en totale adéquation avec le thème de la mort.
Seul aux manettes pour cet album, Christophe Babonneau avait déjà participé au dessin de quelques ouvrages collectifs dont les tomes 6 et 8 des Contes du Korrigan et le tome 4 des Contes de Brocéliande. Le résultat est plutôt convaincant : des décors travaillés mettant en valeur les forêts ou les côtes bretonnes ainsi que les fermes ou les églises construites en pierre. Les personnages sont peut-être moins réussis, plus conventionnels même si le visage de la vieille Marie-Job, buriné à souhait, est quant à lui, très soigné. La mise en couleurs d'Antoine Quaresma participe avantageusement au climat de peur qui règne dans certaines situations. Par exemple, la présence des lanternes sur la charrette de la commissionnaire, seules sources de lumière dans la nuit noire, donne un résultat très esthétique.
Encore un album de contes et légendes celtiques ? Certes... mais ça tombe bien, celui-ci trouve justement sa place dans la collection "Celtic" des éditions Soleil, ce qui a déjà le mérite de ne pas tromper le lecteur. Et comme La Légende de La Mort présente bon nombre de qualités essentielles, il serait dommage de vouloir à tout prix se fier à des a priori futiles et de passer ainsi à côté de ce bel ouvrage.
Premier tome de cette adaptation de la Légende de la mort d'Anatole Le Braz. Au programme, trois contes sur la mort, trois histoires courtes adaptées et dessinées par Christophe Babonneau. Le résultat est plaisant.