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aris, octobre 1933. Pendant que le calva coule à flot "chez Raoul", un troquet du quartier Saint-Lazare, des mains coupées tombent du ciel et disparaissent aussitôt. Etrange affaire... D'autant qu'Adèle n'est pas d'humeur et a d'autres chats à fouetter. Poursuivie par Régis Fluet et Léon Dandelet dit le Dentiste, épuisée par une horrible journée passée en compagnie de sa sœur retrouvée (lire Le mystère des profondeurs), elle préfère aller s'taper un p'tit blanc... sec évidemment. Quant à Brindavoine, son rhume persistant n'augure rien de bon et ce n'est pas la visite de Chalazion et ses coups tordus qui vont arranger les choses. Ce début d'automne promet d'être agité.
"Oh non ! On ne va pas éternellement recommencer les mêmes bêtises !" s'écrie Adèle en apercevant au-dessus de sa tête un magnifique spécimen de ptérodactyle rouge, clin d'œil nostalgique au premier tome de ses aventures paru en 1976 (lire Adèle et la bête). Et pourtant... 30 ans plus tard, elle remet ça et n'a pas pris une ride : même regard désabusé, mêmes taches de rousseur, mêmes chapeaux d'un goût plus que douteux et surtout même chic pour se retrouver dans des situations plus abracadabrantes les unes que les autres. La galerie de personnages secondaires s'enrichit sans cesse. Leur point commun : une "gueule" inimitable et un franc-parler leur conférant une totale authenticité. Les monstres ne sont pas en reste et semblent se fondre tout naturellement dans le Paris de l'entre-deux-guerres décrit par Tardi, le même que celui de Nestor Burma, la couleur et la folie en plus. Si le dessinateur a toujours pris soin de respecter l'œuvre de Léo Malet, il met ici de côté toute éthique pour laisser libre cours à son imagination. Il prend du plaisir et ça se voit !
Présentée en feuilleton sous forme de journal (3 numéros pré-publiés pour chacun des 2 volumes cartonnés des nouvelles aventures d'Adèle), l'histoire acquiert ainsi un charme désuet très agréable, aidée en cela par des couleurs sobres et pâlies par le papier. Des cases agrandies pour une meilleure lisibilité finissent de convaincre le lecteur que ce début de neuvième tome est un très bon cru.
Ce premier tiers du Labyrinthe infernal est un véritable régal. Quand d'autres vieilles séries s'émoussent avec le temps, il est particulièrement jouissif de voir une héroïne toujours aussi pétillante et surtout de pouvoir bénéficier, tant d'années après, d'un plaisir de lecture presque intact. Une fois n'est pas coutume, les honneurs iront en 2007 à un "Blanc-Sec", un millésime équilibré à la robe pas toujours élégante mais au parfum envoûtant. A consommer sans modération.
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