C
ela fait maintenant un an que Richter, originaire de Berlin, a trouvé refuge en Patagonie au milieu d’éleveurs de moutons. Alors qu’il ramène un troupeau d’ovins à l’estancia de Valdez, l’expatrié raconte qu’il a découvert des carcasses de bêtes égorgées. Lorsque Trehmann et sa fille Hanna, deux ukrainiens ayant fui les pogroms il y a quatorze ans, expliquent s’être fait récemment voler plusieurs chevaux, il devient clair que ces actes sont probablement l'œuvre d'une bande organisée. Mû par des sentiments envers la jeune femme originaire de Kiev, Richter décide de mener son enquête pour identifier les auteurs du vol.
Avec ce one-shot préfacé par Christian Perrissin (La jeunesse de Barbe-Rouge, El Niño), Iwan Lepingle confirme ce goût du voyage et des grands espaces déjà affiché lors de son premier album, Kizilkum, dans la collection Tohu Bohu des Humanoïdes Associés. Le récit nous propulse dans un décor digne d’un vieux western nord-américain, au milieu de plaines désertiques en rupture avec la civilisation. La plupart des personnages ne sont pas nés sur cette terre austère et désolée et évoquent avec nostalgie et amertume le continent européen. Outre les règlements de comptes dans la pampa argentine qui servent d’intrigue de fond, l’auteur évoque surtout le déracinement de ces immigrés tout en accordant suffisamment d’attention aux traditions des gauchos. A l’aide d’un récit un peu lent mais dépaysant, Lepingle montre des bergers qui n’ont même pas de quoi s’acheter des fusils pour se défendre, des exilés qui ont peur de perdre ce bout de nouvelle vie arrachée à la sueur de leur front au-delà du fleuve Rio Negro.
C’est par le biais d’un dessin sans esbroufe mais clair et précis que ce prof de maths dépeint les steppes de Patagonie dans toute leur authenticité et leur simplicité. Souffrant d’un découpage un peu trop statique qui donne du mal à bien situer l’action lors des scènes de tirs, ce graphisme épuré et à la grande lisibilité se met pour le reste entièrement au service de l’histoire.
Une œuvre de plus de 100 pages en noir et blanc qui permet aux lecteurs de découvrir un autre Far West, celui du Sud.
C'est bien la première fois que je découvre un véritable western argentin. Les plaines de Patagonie remplacent l'Ouest américain. Quelques différences cependant avec le Far-West : en Argentine, ce sont des élevages de moutons et de chevaux. Cependant, les hommes sont pareilles: cupides au point de voler la terre du voisin. Contre ces hors-la-loi, il faut s'unir et se battre à mort.
Cette histoire n'est pas très originale au fond mais ce qui en fait l'attrait, ce sont les caractéristiques de ces européens qui ont tout quitté pour s'installer sur des terres arides et pas très hospitalières. On en apprend sur leur origine avec toujours cette nostalgie de la vieille Europe qui les a abandonnée. La force de ce récit résident justement dans des personnages plus vrais que natures qui sont véritablement attachants. C'est une véritable chronique de moeurs assez passionnante.
La préface est signée Christian Perrissin, l'auteur d'un Cap Horn inachevé. Les dessins en noir et blanc sont particulièrement soignés dans une ligne claire et finalement très efficace car d'une grande lisibilité. Rio Negro est un western dépaysant et authentique à découvrir absolument ! Une oeuvre également très sincère par un auteur pas très prolifique.