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Pampa (Zentner/Nine) 2. Lune d'argent

24/05/2004 6503 visiteurs 3.3/10 (3 notes)

Pachamama. Terre mère. Pampa. Pampa est l’histoire d’une malédiction. Au cours d’une expédition punitive contre les Indiens le gaucho Francisco Parra viole une femme sous le regard de la Lune. Elle lui jette un sort qui le condamne après sa mort à errer parmi les vivants. La malédiction, impitoyablement s’abat sur sa descendance. Lune d’argent, le deuxième volet de cette série raconte comment son fils Cirilio devra aider son défunt père à trouver le repos en affrontant l’homme-puma.

Pachamama. Terre mère. Pampa. Tels sont les mots qui ouvrent le récit. Cet ouvrage pour le moins insolite, c’est à Jorge Zentner et Carlos Nine que nous le devons. Portée par une intrigue assez ténue, cette série se veut une évocation exaltant les sortilèges de la pampa argentine du XIXe siècle, une terre où cohabitent encore Indiens et colons occidentaux, une terre baignée par un syncrétisme mêlant christianisme et chamanisme. Ainsi présenté, ce projet ambitieux a tout pour susciter l’intérêt. Malheureusement…

Pachamama. Terre mère. Pampa. Ces mots sont martelés tout au long de l’album. Nous avons connu Zentner plus inspiré. En effet, tous les éléments que nous annoncions sont gâtés par une narration indigeste qui, croyant restituer par une scansion insistante le charme envoûtant de l’esprit argentin, provoque au mieux l’ennui, au pire un rejet presque total. Les dialogues qui se veulent profonds et graves, semblent plutôt obscurs et creux, comme en témoigne cet extrait : « tu souffres beaucoup parce que tu es un loup. Cet animal est ombre et douleur, mais… Il t’a sauvé de ton frère. Es-tu sûr que tu veuilles te séparer du loup ? ». Qu’on ne s’attende pas à trouver une réponse précise à cette question ni un sens plus général à cet album : le flou domine.

Pachamama. Terre mère. Pampa : ça on a compris. En revanche, le traitement graphique n’aide pas davantage à la lisibilité de l’ouvrage. Au contraire il en amplifie les travers. On sait pourtant tout le bien qu’on pense de Carlos Nine, dessinateur au talent immense, graphiste hors-pair, considéré à juste titre comme un digne successeur de Goya pour son univers halluciné et dérangeant. Ici, la technique employée, aussi splendide soit-elle, dessert le propos. Elle consiste en des dessins au pastel, appliqués sur une demi-teinte au grain apparent. Chaque vignette est un petit tableau en soi, mais le séquençage ne fonctionne pas : les transitions entre les images sont bien souvent trop abruptes. Le tour incertain spécifique à Nine rend ses personnages peu identifiables d’une page à l’autre. Les couleurs, terreuses, contribuent à noyer cette pampa dans un nuage de poussière âcre. Notons enfin la manière artificielle dont les phylactères viennent se superposer aux images, et la pauvreté de la typographie numérique qui a été ici choisie.

Pas ça mama ! Nananère ! Ya basta ! Tels sont les mots blasphématoires que prononça un chroniqueur à peu près fou, possédé par les forces malignes du chaman Juan Van Hammo, par une nuit de pleine lune quand on lui annonça qu’il aurait à lire la suite à paraître : Lune d’eau.

Par Pierre
Moyenne des chroniqueurs
3.3

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