D
ans la salle d'attente d'un love hotel, le regard de Yukari Ishii croise celui de Hajime Anzai. Sur un coup de tête (ou serait-ce un coup de foudre ?), ils se débarassent de leur partenaire respectif (tous deux souffrant d'un taux d'alcoolémie bien supérieur à la normale) pour passer ensemble une nuit d'amour et surtout de sexe. Ils apprendront à se connaître un peu au fil de leur relation si brève mais si intense. Au petit matin, pourtant, ils se quitteront, reprenant chacun sa vie là où ils l'avaient laissée. Mais des circonstances pour le moins inattendues pousseront Hajime Anzai à se mettre à la recherche de celle qui, le temps d'une nuit, lui aura fait oublier ses malheurs.
"Le manga le plus érotique de Mari Okazaki", prétend un autocollant en couverture. Les connaisseurs apprécieront, et les autres se demanderont sûrement jusqu'où un mangaka peut aller sans enfreindre les bonnes moeurs. En effet, tout au long de l'album, l'auteur flirte allégrement avec la frontière entre érotisme et pornographie sans se laisser aller à la vulgarité ou au sexe purement gratuit. Pourtant, il faut bien le reconnaître, certaines scènes érotiques semblent se prolonger inutilement : je ne parle pas ici de l'introduction, c'est-à-dire de la nuit dans le love hotel, dont la longueur est à l'image de l'influence qu'elle aura sur la vie des deux amants. Non, je veux parler d'une multitude de petites scènes qui jalonnent le récit, instaurant un climat érotique permanent qui n'était peut-être pas indispensable à la bonne marche de l'histoire. Mais il faut croire que le genre dans lequel opère ici Mari Okazaki a ses impératifs.
Malgré cette débauche de rapports sexuels et de positions affriolantes, on ne peut pas dire que l'effet érogène soit à la mesure des moyens déployés. Les scènes érotiques sont ainsi émaillées de discussions qui sont autant de freins à la tension du moment et empêchent de vraiment se laisser prendre au jeu. Heureusement, les personnages en eux-mêmes sont suffisamment profonds pour qu'on s'intéresse à eux et l'humour qui sous-tend le récit, même s'il ne fait pas toujours mouche (peut-être parce qu'il repose sur des référents culturels qui nous sont étrangers), confère une certaine légèreté à l'histoire et fait passer un bon moment. Et l'on se surprend à vouloir en savoir plus à la fin de ce premier tome.
Servie par le dessin élégant et explicite de Mari Okazaki, qui s'est adjoint pour Dernier Soupir l'aide du romancier Nobuyuki Isshiki, l'histoire progresse lentement en raison des nombreuses pauses imposées par les inévitables parties de jambes en l'air mais s'annonce intéressante à plus d'un titre. Pour ce qui est des éventuelles pulsions qui naîtront de cette lecture, je suppose qu'elle dépendront surtout de la sensibilité de chacun et de ses préférences sexuelles.
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Le scénario me paraissait intéressant au premier abord. On assiste à la rencontre de deux êtres, une véritable love story dans un love hôtel (hôtel ou viennent s'ébattre les couples légitimes ou non). Jamais, on ne versera dans la vulgarité. On restera presque à la limite de l'érotisme. On peut souligner également un dessin très agréable au décor épuré mais qui laisse s'exprimer les corps dans un tumulte de passion charnelle. Ceci pour la forme.
Sur le fond, il y a un gros coup de théatre qui intervient au début de cette histoire : quelques jours à peine après cette rencontre, l'héroïne se suicide brutalement. On croyait qu'elle nageait en plein bonheur d'où un véritable choc pour le lecteur. Tout l'intérêt de l'histoire va se situer sur le fait de comprendre ce geste désespéré à travers trois personnages : la soeur et un ami étrange de la défunte, ainsi que notre héros qui n'a vécu qu'une nuit d'amour. Il y aura alors de nombreux flash-backs pour tenter de percer le mystère.
Pour autant, alors que la première partie était un sans faute, la seconde se revèle moins reluisante. On ne sait pas où le scénario va véritablement nous conduire. Cela semble un peu tiré par les cheveux. Il y a des scènes un peu inutiles qui tirent en longueur. On se demande si toutes ces rencontres ne vont pas devenir lassantes car la trame est posée. On attendra la suite qui mérite qu'on s'y penche. Ce voyage insolite dans le passé de l'héroïne ne fait que commencer ...