Yoni 1. Dollymorphing

L a terre. Futur proche. Le monde est divisé en deux pôles, séparés par une zone tampon de sécurité. D'un côté l'USW (United States of the World), de l'autre les États émiratistes. Entre les deux, le Reste du Monde. Cet état de fait est contesté par les rebelles de la zone indépendantiste TAZ, dirigée par des hackers qui ont pour but de déstabiliser l'USW en piratant leurs satellites. C'est dans ce contexte que Yoni Owens, agent spéciale de la FCIA, les services secrets de l'USW, est envoyée en France pour résoudre une histoire d'enlèvement qui ne sera pas sans surprise.

Le travail réalisé par Yann sur cette nouvelle série force le respect tant le monde qu'il a créé paraît crédible et magistralement structuré. Une vision du futur qui reste dans la sphère du possible au vu de l'actualité, voilà qui n'est pas pour nous rassurer sur le devenir de notre société: un monde où une toute-puissance dicte sa loi et impose son prêt-à-penser universel, le tout sous le couvert d'allures démocratiques et civilisatrices.

Malheureusement, le scénario de ce premier volume n'est pas exempt de défauts. Si l'intrigue principale regorge d'idées originales, elle pèche par manque de maîtrise au niveau de la narration: les rebondissements, parfois quelque peu convenus, se succèdent à un rythme fou et le lecteur aura du mal à suivre l'action. Dommage qu'un tel univers n'ait pas été mieux exploité et que Yann se contente d'enchaîner les courses-poursuites. Autre grief à retenir à l'encontre de cet album: la myriade de noms scientifiques qui désignent autant d'inventions futuristes et autres gadgets qui ne sont pas sans rappeler un certain agent double zéro. Voilà qui n'est pas pour faciliter la lecture.

L'histoire n'en reste pas moins intrigante, de quoi attendre avec impatience le deuxième tome, à paraître cette année et qui clôturera ce premier cycle. Une fois cette mise en jambes terminée, les bases de cet univers particulièrement riche devraient être posées et permettre aux auteurs de corriger les défauts qui se sont glissés dans ce premier album. Cette série sera donc à suivre de très près, notamment pour voir l'évolution des personnages et pour découvrir petit à petit les différentes régions du globe qui composent cette terre du futur.

Au niveau du dessin par contre, pas le moindre reproche à formuler. Il était intéressant de voir comment Berthet, davantage habitué au polar et au récit d'aventures, allait adapter son style à l'exercice difficile du récit d'anticipation. C'est une grande réussite: l'univers est cohérent et le design des véhicules et bâtiments original et crédible. En outre, le créateur de Pin-Up n'a pas son pareil pour façonner des personnages féminins particulièrement attachants.

Pour le lancement de leur nouvelle collection, les éditions Dupuis semblent donc avoir mis les petits plats dans les grands: des auteurs qui ont déjà marqué de leur empreinte l'Histoire de la bande dessinée, une maquette particulièrement soignée signée Didier Gonord (une fois de plus, serait-on tenté de dire) et, ce qui ne gâche rien, une grande qualité d'impression.

Le Dupuis nouveau est arrivé… mais sans convaincre totalement...