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Aziyadé

07/05/2007 23716 visiteurs 7.2/10 (11 notes)

E n 1876 Loti, jeune officier de la marine britannique, accoste à Salonique. En flânant dans la ville, il fait la rencontre d’une belle odalisque, énième épouse retranchée dans le harem d’un vieux dignitaire absent. Elle et lui partagent un certain désœuvrement, la jeunesse et une beauté arrogantes, et bientôt une passion ardente, aiguisée encore par son impossibilité théorique. Mais l’Amour en a vu d’autres, et il n’est guère d’obstacles qu’il ne saurait déjouer ! Au-delà de cette femme, c’est de la Turquie tout entière dont Loti va s’éprendre : de ses coutumes, de sa langue, de ses habitants. Jusqu’à vouloir épouser la nationalité turque.

Après la saga Extrême-Orient aux éditions Vents d’Ouest, sur le thème peu exploité en bande dessinée de la révolution culturelle chinoise, Franck Bourgeron change d’horizon. La transposition graphique du roman de Pierre Loti Aziyadé, lui permet d’explorer un certain Moyen-Orient, au crépuscule de l’Empire Ottoman. Si le roman est écrit à la manière d’un carnet intime, la bande dessinée, fidèle à l’écriture de Loti, n’est pas sans évoquer le carnet de voyage. Les planches contemplatives n’y sont pas rares. On retrouve notamment de ces compositions verticales qui faisaient le charme et l’originalité d’Extrême-Orient.

En tout juste trois livres, Franck Bourgeron a posé un style bien à lui dans la « nouvelle bande dessinée » : visages stylisés aux fronts allongés, utilisation de cases verticales, audace dans les cadrages (avant de se mettre à la bande dessinée, le dessinateur a travaillé pendant une quinzaine d’années dans l’animation, d’où, sans doute, cette culture particulière de la caméra et de la mise en scène), et une fougue tranquille dans la manière très propre de poser des hachures dans les dessins. Le trait est souple, dynamique et spontané, sans sacrifier l’esthétique du dessin.

Autre particularité dans le travail de Bourgeron, la non-représentation du regard. Dans Extrême-Orient, les yeux étaient de simples fentes sans iris, pour mieux souligner l’absence d’individualité ou d’affirmation personnelle. Dans Aziyadé, outre Loti, souvent affublé de lunettes opaques, la plupart des protagonistes ont les yeux mi-clos ou fermés. L’impression induite est assez variée : langueur, sensualité, désir, abattement ou sérénité, selon les cas(es).

On pourrait être tenté de rapprocher ce roman de Roméo et Juliette, archétype de l’histoire d’amour fatal. Mais alors que les personnages de Shakespeare débordent de lyrisme, fascinés qu’ils sont par la découverte de l’amour (ce sont des adolescents, tout est nouveau pour eux !), dans Aziyadé, les amants restent relativement circonspects. Aziyadé, épouse délaissé mais fautive, est discrète par nécessité, peut-être aussi parce qu’elle ne se fait guère d’illusion sur la nature éphémère de l’amour. Loti, pour sa part, prend la relation avec une certaine désinvolture. Il compare sa nouvelle conquête avec les précédentes, il continue de voir d’autres maîtresses… Ses sentiments vont se renforcer progressivement, mais toujours avec un temps de retard. C’est là toute la beauté de ce roman. Aziyadé est le récit d’un amour qui n’est pas immédiat, l’exact contraire d’un coup de foudre. Transposer graphiquement une telle œuvre sans la trahir, demandait de la subtilité et de la retenue.


» Les premières pages sur BDGest
» Texte intégral du roman de Pierre Loti sur le site de l'Association des bibliophiles universels

Par J. Briot
Moyenne des chroniqueurs
7.2

Informations sur l'album

Aziyadé

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L'avis des visiteurs

    Erik67 Le 01/12/2020 à 07:59:20

    Du même auteur, j'avoue avoir préféré très nettement son Extrême Orient. On retrouve avec bonheur le trait de son graphisme un peu exceptionnel. C'est une joie pour les yeux ébahis des lecteurs que de découvrir ces couleurs magiques.

    Je m'attendais à une histoire d'amour vraiment originale avec une passion dévastatrice et tragique. C'est bien décevant à ce niveau là où l'action reste presque figée sur le marivaudage intellectuel du héros en mal de sensations fortes. L'ivresse de l'imagination et des sens...

    Nous avons en effet un jeune officier de marine qui reste bloqué à Salonique puis à Istanbul. Le fond historique est celui de la guerre des Balkans entre les russes et les turques. C'est un épisode bien méconnu des occidentaux. Or c'est bien là que l'auteur excelle dans la manière de nous présenter cet environnement historique. Belle couverture également.

    Une oeuvre qui se veut un peu inaccessible à tout un chacun et qui reste prioritairement axé sur une atmosphère romantique.

    kingtoof Le 17/10/2018 à 07:26:27

    Une adaptation du premier roman de Pierre Loti.
    La construction de l'album garde le style de l'oeuvre originale, en découpant le récit entre carnet intime et correspondances.
    Cet ouvrage trouve son intérêt dans son symbole de l'orientalisme de la fin du XIXème siècle, entre fantasme romantique et véritables études ethnographiques : l'exotisme turc, l'amour impossible...

    Vales Le 27/02/2007 à 12:18:54

    Loti, jeune officier de marine anglais, stationne à Salonique alors que la Grèce subit la domination turque. A terre, il apercevra par la fenêtre d'une maison une jeune femme dont il tombe éperdument amoureux.

    C'est cette histoire d'amour entre deux êtres que tout sépare, la langue, la nationalité, l'origine, qui nous est contée. Et d'assister à la confusion de leurs sentiments. Comment l'amour s'insinue-t-il dans une vie ? Jusqu'où chacun ira-t-il par amour ? Tous ceux qui ont aimé passionément se reconnaîtront dans cette BD. Tous ceux qui veulent savoir à quoi ressemble la passion liront cet ouvrage.

    Les histoires d'amour finissent mal en général.