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n 1955, André Franquin est en première ligne d'un conflit qui oppose les auteurs et Charles Dupuis. N'obtenant pas gain de cause, le dessinateur vedette de Spirou claque la porte et ose commettre l'impensable, en signant un projet pour le rival de toujours : Le journal de Tintin. La dispute avec Dupuis sera vite résolue, et Franquin réintégré à Spirou dès 1956, mais le projet pour Tintin est lancé. Pendant cinq ans, Franquin va faire vivre un duo inattendu : un innovateur "perfectible" (cela ne vous rappelle rien ?) prétendant platonique d'une charmante ingénue. Elaborée en partie avec Greg, Goscinny et Peyo (excusez du peu !), la série va amener un peu d'humour "made in Spirou" au sein du journal de Raymond Leblanc, considéré comme plus sérieux, et va également participer à remettre au goût du jour le gag en une planche, tombé en désuétude depuis quelques années.
Déçu de quitter la rédaction de Spirou, il en regrettera vite l'ambiance conviviale, Franquin ne va pas perdre son humour pour autant. Il crée un couple classique, associant l'irascibilité, la maladresse et l'immanquable esprit "donneur de leçon" de l'arroseur arrosé, à l'admiration béate et naïve d'une jolie blonde. Humour potache et inutilement moqueur ? Non ! Le personnage tourné en ridicule n'est bien entendu pas celui que l'on croit, le père du futur Gaston est bien au-dessus de cela. Pompon, aussi jolie qu'elle soit, n'est que le paratonnerre attirant les fous rires sur un Modeste meurtri, ridiculisé et souvent l'objet de "complots" de ses voisins Ducrin et Dubruit, de son ami Félix ou des petits cousins de celui-ci. Des personnages secondaires, bien souvent indispensables à l'étoffe du héros, imaginés par ses fabuleux collaborateurs de l'époque. L'alchimie était telle que Franquin déclarait ne plus savoir de quel cerveau était sortie telle idée ou telle autre. Il était pourtant clair que Ducrin préfigurait un Lefuneste en herbe.
Graphiquement, Franquin est trop perfectionniste pour travailler à l'économie, sur cette série comme sur toutes les autres. Le trait enjoué, mi-gros nez, mi-réaliste, laisse la part belle à l'expressivité des visages et des onomatopées indispensables au ressort comique. Retranscriptions de son sens inné de l'observation qui fera si bien recette dans Gaston, les tableaux offerts sont autant de regards sur la société du moment avec l'esprit critique et acerbe qu'on lui connait. Parfaitement ancré dans les années cinquante, le design cher à l'auteur a parfaitement sa place ici. Il ne manque jamais l'occasion de mettre en scène du mobilier ou une sculpture improbable, si ce n'est pour son utilité humoristique. Ce ne sont pas encore des fauteuils en forme de main mais presque…
En 1959, André Franquin quittera Le journal de Tintin pour réintégrer définitivement la rédaction du journal Spirou. Il laissera à Dino Attanasio le soin de reprendre sa série. En éditant, fin 2006 à l'occasion des soixante ans du Lombard, un fac-similé reprenant les premières aventures de Modeste et Pompon, l'éditeur rend justice à une série qui mérite plus que d'être une simple parenthèse éditoriale d'un des plus grands auteurs de la bande dessinée franco-belge. Trop méconnus, restés dans l'ombre de Gaston Lagaffe et Spirou & Fantasio, Modeste et Pompon doivent pouvoir revivre leurs exploits au grand jour.
28 février 2007, 50 ans de la création de Gaston...
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Par T. Pinet
Pour les fans de Franquin, cette réedition est une aubaine. C'est avec nostalgie et plaisir que l'on relie les aventures de modeste. 60 gags qui n'ont pas vieilli.
A lire pour le plaisir de ces vieux gags, qui nous ont tant fait rire il y a quelques années.