M
issy est strip-teaseuse : formes généreuses et pourtant clou du spectacle proposé par la boîte dans laquelle elle se produit. Les clients en sont fous. Son lit est accueillant, mais ne retient pas ceux qui y passent. A force de voir se répéter les mêmes scènes, la coupe est pleine.
L’univers est glissant, propice au dérapage et Missy est une belle découverte. Pas de vulgarité, pas de moquerie, pas de pathos. Pourtant tout était rassemblé pour ça : du quotidien des effeuilleuses qu’on invite à racoler, à ces corps très en chair qu’on exhibe sous l’œil pervers de clients éméchés, en passant par la solitude et la détresse de celles qui dévoilent tout et dont on ne connaît rien.
C’est lié principalement à ce parti-pris narratif et graphique terriblement culoté et qui fonctionne à merveille. Les personnages sont tout en rondeurs, ou plutôt en ovales, les visages dépourvus de traits. Au milieu d’une foule de stéréotypes (le club, les fringues de mac, les vacheries des « concurrentes » prêtes à tout pour occuper le haut de l’affiche, le personnage du puceau transi d'amour, l’histoire elle-même qui serait anodine racontée autrement), cette audace fait mouche. L’expression, c’est celle du langage des corps au moins aussi éloquents que celui des faciès ou des mots qui eux trahissent si souvent les sentiments. Les dialogues sont parfaits car dans leur style, qui donne l''impression de les avoir si souvent entendus, ils contribuent à donner de l’emphase à l’expression non verbale.
Missy est un exemple d’équilibre, osant jouer la carte de l’expérimentation sans renoncer à ce qui séduit le gogo : sujet propice au voyeurisme traité avec pudeur, misère humaine baignée de couleurs douces, recours aux dialogues lorsque ce sont les silences qui en disent longs, fissures de l’âme soulignées par les contours lisses des personnages. Il fallait oser, et surtout le réussir. C'est fait et bien fait.
Mais quelle horrible histoire ! J'en suis encore tout retourné. Quelques fois, on voudrait pouvoir changer les choses à notre guise. Le doute ne devrait jamais être permis dans une relation de confiance. J'ai adoré le concept et j'ai adoré ce récit.
Il est intéressant de voir qu'on peut être une star dans un domaine précis mais revenu dans la vie quotidienne, n'être plus rien. On peut également souffrir de cette situation. C'est bien ce qui arrive à notre Missy, une jeune femme aux contours plus que généreux qui officie dans un cabaret.
Le dessin est épuré et les visages sont volontairement absents. Cela confère un cachet particulier à ce one shot pas comme les autres. C'était un exercice plutôt périlleux que de laisser s'exprimer les corps plutôt que les visages dans une histoire de déboires amoureux. C'est un pari réussi. La force d'expression réside tout simplement dans l'absence de visage !
On pourra y mettre le visage qu'on imagine. C'est une véritable interaction avec le lecteur.
Missy mérite votre attention. N'hésitez pas à la découvrir si vous tombez dessus !