I
l est des œuvres difficiles d'accès qui peuvent laisser perplexe. Il est des auteurs plus doués que d'autres pour donner naissance à ce type d'œuvre. Blutch est de ceux-là. Résumer La volupté rélève de l'impossible ou alors en tant de pages qu'il est plus rapide de le lire. Un amoureux errant, une Belle au bois dormant, des chasseurs volontaires, des forêts impénétrables, une bête mystérieuse...
Il est préférable d'aborder cet album pour l'intérêt du dessin de Blutch, qui reconnaît les influences de peintres comme Courbet, Magritte, Balthus ou Ernst (pour le cadrage et l'ambiance par exemple). S'imprégner du graphisme permet d'accepter une certaine distance avec le récit , ou plutôt des récits qui se croisent sans relations apparentes. Les liens se tissent au fur et à mesure des pages où un évènement anodin du début révèle tout le machiavélisme de l'auteur vers la fin, la bête n'étant plus celle que l'on croyait. Certains destins finissent donc par se rejoindre et d'autres non, tous tendus vers un même objectif : le désir de sexe. Désir qui fera se perdre, se transcender ou se libérer les différents protagonistes et rendra le lecteur dubitatif quant à l'objectif visé. Car quel message Blutch veut-il faire passer ? Qu'il est capable de traiter un sujet aussi difficile sans tomber dans la facilité ? Qu'il est capable d'être un conteur avec sa panoplie de forêts et de personnages égarés ? Qu'il parvient à rester obscur tout en insufflant un zeste d'humour ? A moins qu'il ne s'agisse ici d'évoquer certains fantasmes... A chacun son idée ou son air songeur si trop de questions restent en suspens.
Alors, pour boucler la boucle, il reste le dessin et l'émotion transmise par les deux crayons de couleur utilisés où le rouge joue le rôle du révélateur pour sublimer le noir. Les femmes sont sensuelles comme rarement elles l'ont été en bande dessinée et les hommes ne font que leur courir après. Les ambiances sombres de sous-bois toutes en hachures sont inquiétantes à souhait. Le mouvement est superbement rendu et la tension est souvent palpable. Du grand Art.
Oui, la bande dessinée est bien un art, Blutch le prouve à tous, y compris ceux qui ne voudrait pas l'entendre. Oui, la compréhension totale d'un œuvre n'est pas indispensable pour l'apprécier et la ressentir. Oui, il est plus aisé d'être un amateur du genre pour appréhender cet album. Oui, il est trop facile de passer son chemin et s'exclamer : "Ce n'est pas pour moi !". Non, il n'est pas interdit de ne rien y comprendre. L'essentiel est de s'en approcher, au moins une fois.
Difficile à comprendre!
Quel est le propos de Blutch, au juste? On semble suivre une certaine trame chronologique, simple de prime abord, mais ô combien insondable et empreinte de métaphores. L'humain est-il la bête? Que représente les cailloux comme cadeaux? Les scènes de ménage? Le prologue et l'épilogue?
À vous de décider... BD difficile à recommander, mais qui présente un certain intérêt...
Récit à tiroirs ? à clés ? La pierre, le singe, la poursuite : la contrainte de la vie en société qui bloque la volupté.