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n homme nu, visiblement malade, déambule dans la rue. Avant de s’écrouler, il entre en contact avec un étudiant sur lequel il répand un flot de miasmes. Celui-ci disparaît avant l’arrivée de la police. Son état évolue rapidement sans qu’il y prête attention et sans que l’amie avec laquelle il vient de passer la nuit n’ait le temps de s’en rendre compte. Est-ce le début d’une contagion de grande envergure ? Quelle est son origine ?
Endémie, pandémie, épidémie. Le virus est dans l’air du temps. Dans la catégorie des séries, la télé a déjà exploité le filon notamment avec des exemples convaincants ou non : la canadienne Re-genesis ou l'américaine ADN Menace immédiate pour ne retenir que celles-là. Plus orientée polar que labo, Manhole leur emboîte le pas et sait jouer elle aussi sur une des ces peurs qui affectent, avec plus ou moins de raisons tangibles, les sociétés modernes. Dans ce cas, pas besoin de jouer la carte ésotérique ou de s’évader dans des contrées lointaines pour susciter le frisson. Le danger est à portée de main, la menace bactériologique peut frapper de manière aveugle et diffuse.
Le terreau est prêt. Il convient de se méfier de tout le monde. En ville particulièrement, nos voisins sont des inconnus, on ne sait pas ce qui se passe chez eux et dans le lot comment s’étonner que leurs taudis ne soient pas des boîtes de Petri ? (l'appartement de la mère en est un parfait exemple). Des gourous de tous poils exploitent les attentes et la fragilité de certains groupes de laissés pour compte (que ce soit du point de vue matériel, social ou idéologique) au nom d’une soi-disant foi qui sert leurs desseins avant d'élever leur âme (celle de leurs ouailles, pour ce qu'il en reste...). Les catégories qui se croient à l’abri grâce à leur statut ou leur condition sont, elles, au moins sur un pied d’égalité avec les autres dans un domaine : la maladie et la vulnérabilité face à la contagion.
C’est à ce niveau de lecture, guère dissimulé, que cette série est avant tout intéressante. Ensuite, le reste est une question de savoir-faire et d’ingrédients que l’auteur met en place de façon convaincante quand bien même ils ne sont pas foncièrement originaux. Le couple d’enquêteurs façon buddy movie c’est une formule connue même si là, c’est à une jeune femme que revient le soin d’introduire le quota syndical de pitreries nécessaires pour détendre l’atmosphère. Le coup des victimes innocentes qui vont véhiculer le mal à leur corps défendant appartient aussi aux classiques. Le machiavélique illuminé convaincu de détenir une vérité qu’il doit imposer à l’humanité pour son bien, idem. Enfin, pour être terrifiant, l'antre du mal peut être disséminée partout, y compris dans les endroits les plus anodins de notre environnement quotidien (sous les bouches d’égouts par exemple, le « manhole » du titre). Et l’ensemble fonctionne comme une bonne série B servie par un dessin qui a le bon goût de privilégier la rigueur plutôt que l’excès démonstratif (gore juste ce qu’il faut comme on dit).
Premier volet d’une série qui en compte trois, Manhole commence bien. Laissez-vous contaminer.
J'ai beaucoup aimé car c'est un manga court et plutôt bien construit. Le dessin est de bonne facture avec un trait précis. On regrettera juste une édition qui n'a pas été franchement soigneuse. C'est d'ailleurs le gros défaut de ces mangas estampillés "années 2000".
Le terrorisme biologique fait peur. C'est un aspect qui a été rarement abordé. L'atmosphère sera un peu froide et glauque. Cependant, on est très vite prisonnier de ce récit pour ne plus le lâcher. J'avoue que c'est une enquête plutôt passionnante.
Au final, nous avons un manga de qualité qui ne faiblit pas au fil de ces trois tomes. C'est en tous cas plus abouti que Duds Hunt ou Reset du même auteur. Pour la petite histoire, on reverra l'un des héros de Reset pour filer un petit coup de main informatique à nos enquêteurs de la police.
Un homme nu déambule dans les rues et meurt foudroyé par le virus de la filariose, un vers qui se loge dans l’œil et vous dévore le cerveau… Alors que le virus s’étend, la police enquête et soupçonne une volonté humaine derrière cette contamination.
Un bon thriller biologique qui s’interroge sur l’animalité de l’homme et sa violence. (Ames sensibles s’abstenir !)
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Manhole
De Tetsuya Tsutsui
Les médias clament à tue tete que l’ensemble des maladies reculent, pourtant c’est drole car il n’y a jamais eu autant de malade.
On m’avait dit que l’auteur avait une manière efficace d’amener le cheminement de l’épidémie, et que graphiquement il assurait grave. Effectivement à première vue c’est ce que l’on pouvait penser, malheureusement le titre se révèle d’une hypocrisie rationaliste à couper le souffle.
Mais avant de parler du titre proprement dit, nous allons mettre en exergue ce que je vois trop souvent. Beaucoup trop d’œuvres, manga ou BD confondus, singent la crainte de l’autre avec des analyses pseudo-brillante de la communauté et de ses méthodes, parfois douteuses , qui prend la brutalité traumatique pour de l’intelligence. Ces distances physiques se retrouvent dans une paranoia hygiénique marquée au fer chaud de notre inconscient et de notre civilisation ( ce qui revient à parler du processus des mythes !). Une crainte des épidémies de masse ( grippe aviaire !), une timidité maladive, et l’exceptionnel oubli autour des évènements comme la perte d’un etre cher signifié par la maladie ou la mort. Trop souvent, on gobe des morts violentes , et au ralenti sans comprendre, ni cerner ce qui se passe sous nos yeux ébahis, ces négations se retrouvent dans nos idiosyncrasies, et ne fait que développer l’accroissement des distances avec les autres. On pourra toujours me prétexter la déritualisation civile , et la perte des mystifications culturelles ( prothèse du moi !), on détiendra un pan de réalité. Dès ce moment là, l’essor des rites archaiques, plus proche des rats que du singe, avec différents exemples qui se recoupent : solitude et enfermement des jeunes, viol de femmes et d’enfants, conflit de génération, infantilisme, structure rigide et tyrannique, déchainement de l’individualisme et de l’errance…Au final , le lecteur ou la lectrice sombrent dans la plus vaine des mélancolies, dans l’impossibilité d’aligner plus de 3 mots, ou éventuellement de pouvoir mettre en place une écoute. ( ce qui ne règle pas tout loin de là !) Evidemment ce ne sont que des causes représentatives de tout un ensemble de structures plus ou moins dans son coin, mais l’art en général étant un pale ( o combien éthéré !) reflet d’une communauté, en l’occurrence celle du nord, il ne sera pas étonnant de rencontrer des gens vers une forme de pureté morbide. ( schizophrénie, anorexie, boulimie,….)
Après avoir disserté sur le corps, nous allons pouvoir parler du titre. Remettons-nous dans le bain : « Des disparitions, et des évènements étranges à Sasahara pousseront un Duo de flic ( Ken Mizoguchi « l’ancien », Nao Inoue « la jeune » ) à faire une enquête sur ce mystérieux filaire hote des corps infectés ( les victimes ? !), et sur l’instigateur coupable forcément. Et là encore, c’est l’emploi des flics d’une manière un peu facile qui pose problème, malgré tout, le passage ou nos 2 inspecteurs entrent dans le taudis de cette vieille femme aurait pu etre interessant si il y avait eu une certaine continuité. Malheureusement, ce bon début fait place rapidement à une grave amertume qui s’installe chaudement jusqu’au discours du « photographe », et là tout s’effondre. Sous couvert d’une idéologie douteuse, de désirs de purification, et de gloriole, ce vieillard répand sa découverte du filaire dans la ville de Sasahara. ( un fléau qui ne touche jamais le lecteur !) Et surtout dans tous ces personnages dangereusement stéréotypés, c’est cette jeune femme flic, incorporée récemment, à la spontanéité superficielle qui se révèle etre la plus cohérente, et étrangement aussi la plus humaine. Elle était là pour faire rire, détendre l’atmosphère, mais au fil des pages, ironiquement, on scrutera chacune de ses réactions, de ses gestes, de ses mots pour cerner les tenants et les aboutissants du rapport au corps, à la solitude, et à la mort propre à notre civilisation. Quand à l’autre flic, on est plus proche du phénix ! ?
Pire encore, plus le titre avance, et plus on se rend compte que l’œuvre est faite en dépit du sens émotionnel. Que l’auteur par l’intermédiaire de ses personnages passe son temps à nous expliquer ce qu’il faut faire et ne pas faire, comme si nous étions des idiots et des demeurés mentaux. Par la force des choses, le rationalisme explicatif ne fait qu’aplatir, affadir et alourdir le récit ( qui n’en demandait pas tant !) qui était déjà pas mal plombés.
Un titre qui confine au cynisme pour la bonne et simple raison que l’on nous demande de choisir par l’intermédiaire d’une question : « Au prix d’un meurtrier idéologique faut-il accepter la tyrannie normaliste d’un carriériste binoclar en costume cravate ? ? ?
Quelle(s) réponse(s) nous propose l’auteur ?
La réintégration du corps policier ! ! ! BRRRR, ça fait froid dans le dos.
Une œuvre moraliste au possible, doublé d’un cynisme bien pervers. Je n’en demandais pas tant ! ! ! Mais arriver à me sauver la morale sur la fin, tout en respectant les vieux carcans hypocrites, moi je dis chapeau ! ! !
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alors je suis très étonnée qu'il n'y ait pas plus d'avis mais comment passer à coté de ce chef d'oeuvre parce que l'on peut parler de chef d'oeuvre, c'est tellement bien ficelé que ça se passe de commentaires, les dessins sont sublimes, le scénario j'ai rien à redire je suis très impressionnée par la qualité de cette oeuvre ainsi que de toute celles qu'il a faite jusqu'à maintenant; il fait parti désormais des auteur que j'apprecie énormément avec un tel talent on ne peut pas rester dans l'ombre;
C'est trop fort ! Comme l'a confirmé Tetsuya Tsutsui lui-même, son "dernier manga est un thriller biologique". Un excellentissime thriller biologique, croyez-moi !
Malgré que ce soit en noir et blanc — je ne m'en plains nullement ! —, cela éclabousse beaucoup d'hémoglobine dans chaque case qu'on peut très bien imaginer si l'on est amateur de film gore. La peur, et non la plus grande, se précipite sans crier gare...
Cela se lit vite, aussi vite qu'on arrive à la fin de la page et qu'on râle à la suite parce que la suspense n'est pas finie : on veut en savoir plus la suite avec impatience !
Un océan d'applaudissement pour Tetsuya Tsutsui.
Excellentissime !