L
es Humanoïdes Associés continuent leur travail de réédition d’albums de Moebius. Ainsi, ils regroupent dans le même tome le Cauchemar Blanc (10 histoires sorties en 1975, prépubliées dans des magazines différents tel que Métal Hurlant, Ah Nana, Pilote, l’Echo des Savanes), et le mythique Bandard Fou (datant de 1974 aux éditions du Fromage). Un choix : garder la pureté du noir et blanc. Un thème commun : Le Fantastique. Mais plusieurs angles pour l’aborder.
Moebius y est sérieux, grave, et touche à la politique. Le cauchemar Blanc (qui est aussi le nom d’une des histoires) est une réponse à une indignation de l’auteur face à la censure du Ministre de l’intérieur. Il avait interdit un court métrage ayant pour thème des incidents racistes. Moebius raconte donc une « ratonnade » avec un ton loufoque mais qui laissera un goût amer dans la bouche à la fin de la lecture. Description d’un monde inhumain qui hérisse le poil.
Dans la même veine sociale et engagée, on trouve Variation N°4070 sur « LE » thème. Titre surprenant pour un sujet qui préoccupait de nombreuses personnes dans les années 70: L’arme atomique. L’explosion a eu lieu, que reste-t-il ? Le temps s’égrène, les militaires sont là. Les planches sombres, avec peu de détails montrent parfaitement la ruine. La chute montre une fois de plus où mène la bêtise humaine.
Moebius se donne aussi un espace de liberté graphique, et poursuivra dans cette voie, il en deviendra un des maîtres : un travail à l’encre sans préparation, en se laissant guider à l’instinct. Ici c’est l’auteur qui s’ouvre. Absoluten Calfeutral s’attaque à la chute intemporelle et pourtant il y a toujours une fin. Un ensemble de rêves et de névroses.
D’autres sujets sont beaucoup plus légers, plus sensuels, plus humoristiques, mais avec toujours et encore cette touche de fantastique. Ce mélange se retrouve entièrement dans l’insolite et dingue histoire du Bandard Fou, où comment une énorme érection peut amener à des guerres sans fin, à des milliers de morts. Faites l’amour pas la guerre, belle devise en fin de compte.
Dire que toutes ces nouvelles n’ont pas perdu une seule ride serait mentir. Il y en a quelques-unes assez anecdotiques sur le fond. Mais cet album est indispensable sur la forme, sur la liberté de ton, et juste pour le plaisir des yeux, de voir le coup de crayon d’un des plus grands. Il est bon de regarder le présent, d’attendre avec une certaine anxiété les futures sorties. Mais amis lecteurs, n’oubliez jamais que la bande dessinée a un passé, a une histoire faite de merveilles à ne pas oublier.
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