A
lice et Polo cherchent à rejoindre leur frère Caleb dans la grande ville. La campagne électorale bat son plein et ses habitants se déchirent à propos de l’intégration des monstres, qu’ils côtoient depuis toujours et qui sont cantonnés aux tâches avilissantes. Loin de cette agitation, les enfants cherchent seulement un remède à la transformation dont Polo est victime et le médecin recommandé réside justement dans le quartier où vivent ces mutants…
Derrière une présentation plutôt naïve, un synopsis aux allures de déjà-vu et même un titre banal (qui est également celui de plusieurs livres, d’une œuvre musicale et d’un jeu de rôle, sans parler du titre de l’album homonyme du somptueux polar d’Henri Verneuil), se cache une nouvelle série qui mérite sans doute qu’on s’y intéresse d’un peu plus près.
Sous couvert d’un steampunk plutôt réussi même si certains le trouveront graphiquement un peu timide, les auteurs décrivent une société minée par les conflits sociaux, le rejet de la différence, l’exclusion. Chacun y verra le parallèle qu’il souhaite, sachant que même si le principe est un peu éculé, le propos reste plus subtil qu’à l’accoutumée dans ce style de bandes dessinées. Sans fioritures, le récit est bien construit et le suspens quoique modéré est bien dosé. Peu surprenant pour un habitué du genre, l’album a le mérite d’être accessible pour des lecteurs assez jeunes.
Si on excepte le propos politique (relativement simpliste), les auteurs ne se focalisent ni sur les décors ni sur le contexte. L’accent est mis en revanche sur les personnages et les dialogues : peu d’action, beaucoup d’échanges verbaux basiques mais efficaces. La mise en scène est classique, le trait épuré convient bien aux humains, mais se montre un peu trop dépouillé pour les arrière-plans et les scènes plus éloignées. Pour les monstres, les amateurs de « gore » repasseront, ils sont relativement quelconques à l’image du quartier chaud de la ville, « Le Cloaque », bien trop propre pour mériter un tel nom. Et ce ne sont pas les couleurs chaudes et brillantes qui atténueront cette impression.
Cette dernière remarque caractérise d’ailleurs l’ensemble de l’album : pas assez sombre pour les thèmes abordés. Il manque de perversité, de « méchants » un peu moins ridicules que ce docteur-momie dont la personnalité est mal définie ou que ce politicien extrémiste qui manque de conviction. Il y a pourtant un certain potentiel : laissons les auteurs prendre de l’assurance et cette série pourrait valoir le détour.
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