L
a Monoposie est un régime de type dictatorial à la mode des pays situés toujours plus à l’Est. Les élections ont apporté la légitimité nécessaire à un despote qui entend régner à vie. Là-bas qu’on soit savant potentiellement éligible au concours de « Meilleur artificier final », chanteuse agréée par l’Etat ou bricoleur-vendeur de répliques de montres de luxe, on n'a qu’une envie : fuir le pays et gagner l’Eden, la Confédération. Pas si simple.
Voilà le récit le plus léger de la première fournée de la Collection 32 de Futuropolis. Pourtant le cadre ressemble fort à une chape de plomb posée sur la tête de ces malheureux habitants. Le nom Monopose, statique et rigide à souhait, sonne pour évoquer d’une R"o"publique vieillotte (Capitale : Retrograd ?) incapable d’accoucher d’un avenir radieux pour ses ressortissants. Le chef suprême, le grand Monopose, a incontestablement des airs adropo- (décidément !) brejneviens. En dépit de ce climat austère, avec un regard de conféré évidemment, on s’amuse sans aucune retenue. Le ton est à la comédie.
La mise en place est bien agencée pour amener les personnages centraux à se côtoyer ou simplement se croiser, sans temps morts car en 32 pages, il ne s’agit pas de traîner en chemin. L’ambiance est plutôt burlesque et les dialogues offrent leur lot de répliques où les mots rebondissent en ricochets multiples. Le soin apporté à la construction de l’épisode trouve évidemment sa meilleure illustration dans la scène du passage à la douane synonyme d’évasion. Là, les concours de circonstances s’enchaînent habilement pour tenir le lecteur en haleine bien plus efficacement que tous les ressorts habituels visant à créer une pseudo-tension dont nous gratifient, avec plus ou moins de bonheur, les disciples du Maître du suspens au cinéma. L’angoisse, c’est sur le visage de Spongiat qu’on la lit. Le lecteur, complice de l’auteur, lui, accélère son parcours des cases pour traquer la réaction du personnage embarqué dans une montagne russe où il ne maitrise plus rien.
Depuis Lincoln, le style de Jérôme Jouvray est reconnu avec son trait, ses traits généreux en ombres et contrastes, et ses personnages dynamiques qui rappellent sous certains aspects les grandes figures du cinéma muet. S’il fallait émettre une réserve, elle échouerait sur la mise en couleurs et certains aplats aux contrastes un peu forts lorsqu’ils s’appliquent à des éléments de décor très géométriques. Détail.
Cet épisode 1 refermé, sur ces zeppelins impériaux toujours propices au rêve, le décompte des jours avant la suite commence. Ce sera en juin. Il y a un potentiel énorme dans cette histoire de course-poursuite, de magouille et de réseaux qui interfèrent. Si les clins d’œil à l’Histoire et à l’actualité sont toujours aussi légers, il reste 352 pages de plaisir à venir. Vive les feuilletons !
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Un debut vraiment tres interressant, ce premier episode pose les jalons d'une histoire qui peut etre vraiment sympa, les divers personnages se croisent et se recroisent dans ce pays au terrible regime dictatorial. Le dessin de Jouvray est encore plus abouti que pour Lincoln je trouve. J'attend la suite avec impatience.