A
près le naufrage de leur vaisseau, Basil et Victoria se retrouvent en Ecosse, sur une île inhospitalière et uniquement peuplée de femmes. Ils sont recueillis par les sœurs McDalton, quatre rouquines misérables élevées aux œufs de macareux, qui ne rêvent que de quitter leur condition déplorable sans rien pourtant connaître d’autre. Dans l’impossibilité de s’échapper, ils vont apprendre les légendes foisonnantes du lieu, dont la plus intéressante aux yeux de Victoria est celle relatant la vie tumultueuse d’une femme pirate ayant laissé sur l’île un fabuleux trésor. Alors que sa régulière cherche par tous les moyens à découvrir où se trouve le butin, Basil se prendra d’affection pour Pearl, petite blonde au regard perçant, et seule habitante à leur montrer un soupçon d’humanité.
C’est avec un plaisir immense que nous retrouvons les deux gamins des faubourgs londoniens accompagnés de leur fidèle Cromwell, cabot repoussant mais fier chasseur de rats. Basil et Victoria est une série créée en 1990, dont le tome 2 avait reçu l'Alph-Art du meilleur album à Angoulême en 1993, et dont le dernier album remontait à 10 ans. Yann revient ici avec un scénario original, et relance ainsi sa collaboration fructueuse avec Edith, ce qui donne un album en tout point conforme aux précédents. Mettre en scène ces deux gamins survivant tant bien que mal dans le Londres sordide de l’époque victorienne, y attacher un humour décapant et une critique aiguë de la société, le tout en s’adressant à un public plutôt adulte, n’était pas une mince affaire. Même après une si longue attente, les deux auteurs montrent que la série n’est pas morte et qu’ils ne sont pas à cours d’idée pour la prolonger. L’ambiance « à la Dickens » est toujours présente, les références (Sherlock Holmes, Jack the ripper, Mille et une nuits et maintenant L'Île au trésor) prennent toujours autant de place dans les récits, et les chamailleries qu'entretiennent les deux mômes « à la colle », sont toujours aussi jubilatoires.
Quant au dessin d’Edith, même si le style a évolué, on retrouve la technique du fusain qui donnait un côté doux et sombre aux premiers albums, éclatant et lumineux à Zanzibar (la couverture de l’édition originale est éblouissante) et à Pearl. L’auteure n’a pas perdu la main pour croquer les bouilles parfois épanouies mais souvent renfrognées des gamins qu’elle représente. Rappelons qu’elle poursuit en parallèle la série Le Trio Bonaventure (textes de Corcal) mettant aussi en scène des enfants, bien que davantage destinée à la jeunesse.
Pearl constitue donc une très bonne surprise en ce début d’année, et une occasion idéale de (re)découvrir cette géniale série.
>> la chronique du tome 5 Ravenstein
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