C
aroline du Nord, 1930. Au lendemain de la grande crise économique et de terribles sécheresses, l'ensemble d'un village doit se résoudre à vendre ses modestes terres et prendre le chemin de l'exode, en quête d'un avenir meilleur. Mais s'il est possible de laisser une maison derrière soi, il est beaucoup moins aisé d'effacer les souvenirs ou les traumatismes.
Ainsi, Billy Cry, second d'une famille de sept enfants, n'est pas près d'oublier ce que lui a fait endurer Baker sept ans plus tôt. Depuis, sa haine envers les adultes ne cesse de grandir. Une haine qu'il n'oublie pas de communiquer à son frère aîné, Milton, simple d'esprit mais véritable force de la nature. Pourraient-ils être liés à la disparition ou au meurtre de certaines personnes du convoi ? Ou bien serait-ce plutôt ce canadien agressif qui a des comptes à régler ?
Ce premier tome des rêves de Milton est un album marquant. Visuellement parlant, il en ressort une ambiance terreuse, boueuse. Maël a réussi un savant travail sur les couleurs, utilisant des tons bruns avec uniquement de temps à autre du vieux bleu, mais surtout du vieux rouge pour faire ressortir tantôt du sang, tantôt une robe ou une voiture, ou bien encore pour attirer le regard sur la chemise du canadien. Ce souci du détail ne saute pas forcément aux yeux mais il est certain qu'il influence la lecture. Par ailleurs, Maël adopte un style très différent de celui qu'on lui connaissait dans Tamino. Si la mise en couleur directe apporte à elle seule une réelle différence, son trait paraît quand même beaucoup plus nerveux et spontané, pour un résultat très convaincant.
Sans savoir exactement comment Frédéric Féjard et Sylvain Ricard ont travaillé ensemble sur le scénario, on ne peut s'empêcher de penser à Kuklos tellement la haine, la violence et la souffrance jouent un rôle important. L'exil vers une vie meilleure se transforme en voyage au bout de l'enfer. Les visages de chacun des villageois reflètent le même sentiment de détresse, d'aigreur envers son prochain. Billy inspire autant de compassion que de dégoût. Quant à Milton avec ses rêves d'une rare brutalité, il reste pour l'instant complètement insaisissable. On appréciera alors l'habileté des auteurs à conserver intact un certain suspens par rapport à la suite des évènements.
Les rêves de Milton est un récit fort et prenant, réalisé avec beaucoup de savoir-faire. La conclusion de ce diptyque, s'adressant à un public averti, est d'ores et déjà très attendue.
Du Jim Thompson en BD dans sa veine la plus malsaine : misère, atmosphère lourde, temps pourri, personnages hauts en couleurs rugueux, manipulateurs, simplets... Ce roman (BD) noir est excellent dans tous les domaines.
Tout d'abord, le dessin, et pourtant, au début de la lecture, il me rebutait un peu (comme pour De Crécy dans "Léon la came"). Puis petit à petit l'oeil du lecteur s'y habitue et l'on s'aperçoit qu'il colle à l'ambiance sordide recherchée. Les couleurs claires pâles viennent même amplifier cet effet.
Pour le scénario, les sensations sont identiques : le démarrage parait lent, puis une fois que l'atmosphère générale est en place, l'engrenage de l'histoire se met en branle et l'on ne veut plus que ça s'arrête (une telle qualité...)...
Il ne me reste plus qu'à prendre mon mal en patience, en l'attente de la suite.