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utres temps, autres mœurs. Les années 50 dans une contrée rurale du grand Ouest : les Mauges (contraction des « MAUvaises GEns »). La reconstruction du pays étant prioritaire, les jeunes basculent précocement du système scolaire vers les usines. Dans cette région encore affectée par les conséquences du soulèvement royaliste de 1793, le catholicisme est très présent et rend les esprits peu velléitaires et mal adaptés aux pressions patronales qui ne cessent d’augmenter. Mais, quand certains courbent l’échine et attendent, d’autres relèvent la tête pour se lancer corps et âme dans l’action militante.
En ne lisant que ce résumé, on pourrait croire que le livre de Davodeau n’est qu’un pamphlet sur l’oppression du monde ouvrier dans la France d’après-guerre. Mais cela serait faire fi de l’immense talent narratif d’un auteur qui sait, au mieux émouvoir et, au pire intéresser un public qui n’a pas forcément de liens affectifs avec la région ou avec le milieu social décrit. A l’encontre de toute la mouvance « autobiographique » actuelle, il ne met pas en exergue son histoire familiale, mais la resitue dans un contexte historique qui est finalement le personnage principal de ce livre.
On note une constance dans le dessin de Davodeau : un trait simple et dynamique peu soucieux de représenter fidèlement la réalité et qui ne se complait jamais dans l’esthétisme pour l’esthétisme car, au final, ce n’est qu’un vecteur visuel au service de l’histoire. A l’image d’un John Cassavettes, seules comptent l’émotion sur les visages et la justesse dans les propos.
Après Rural, ceci constitue une deuxième incursion dans le domaine de la bande dessinée documentaire, à mi-chemin entre un travail de journaliste et celui de créateur. D’un point de vue journalistique, on pourra juste reprocher une légère approximation historique mais après tout, les autobiographies n’ont pas vocation à être objectives, et ne sont que le reflet des souvenirs de l’auteur passés par le prisme déformant du temps.
Les Mauvaises Gens est un jalon de plus dans l’œuvre atypique d'un auteur qui a, sans conteste, un des regards les plus pertinents sur notre société, plaçant par-là-même Etienne Davodeau parmi les auteurs majeurs.
J’ai découvert une BD très « militante » mais en même temps très instructive sur l’évolution sociale et syndical dans une région catholique et ouvrière. Le sujet concernant le syndicalisme n’est pas des plus faciles à traiter en bande dessinée et c’est pari gagné.
L’auteur à savoir Davodeau a décrit le parcours de ses propres parents au travers d’un récit autobiographique qui va des années 40 à l’élection de François Mitterrand en 1981. J’ai apprécié le naturel des dialogues.
De plus, le dessin en noir et blanc est simple et aéré. Cette BD se veut être un documentaire qui décrit purement et simplement les faits. C’est beaucoup plus en réalité. Cet album présente l’intérêt de faire découvrir la réalité du monde ouvrier à l’époque où il se battait pour défendre ses conditions de travail. Cet œuvre primé à Angoulême mérite pour cela le respect.
Note Dessin : 3.75/5 – Note Scénario : 4.25/5 – Note Globale : 4/5
Album émouvant.
L'auteur raconte l'histoire de sa famille des années 50 à l'élection de Mitterrand....
Par la vie de sa mère et de son père, Etienne Davodeau, nous présente une histoire du militantisme.
Militantisme catholique puis militantisme syndicale pour finir par le militantisme politique avec le Parti Socialiste.
Une région et une histoire entre foi et politique -
Solange et Marc sont nés dans les Mauges, une province vendéenne plongée depuis toujours dans une foi traditionnelle. Pourtant cette région où règne un principe d’ordre et d’obéissance, va se découvrir une vocation militante. Sous forme de reportage, Etienne Davodeau nous propose de suivre l’émancipation d’un territoire industriel et agricole à travers l’histoire de ce couple qui n’est d’autre que ses propres parents…
L’auteur se met donc en scène en restituant son histoire familiale des années 5o jusqu’à l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, en passant par les années de crise économique et de lutte syndicale. Le récit est rythmé par ces combats sociaux, de petites victoires en grosses défaites.
Comme souvent les reportages ou récits réalistes de Davodeau sont ancrés dans le quotidien des personnages, ce qui constitue tout leur intérêt, mais ce qui peut être aussi à l’origine de passages légèrement lassants. C’est un peu mon sentiment dans cette BD.
« Les mauvaises gens » – dont la contraction est à l’origine du nom des “Mauges” – reste néanmoins une histoire très intéressante sur les origines du syndicalisme en France et sur une région qui m’était totalement inconnue.
http://bdsulli.wordpress.com/
Très émouvant, très bien servis par le dessin sobre d'Etienne Davodeau, c'est beaucoup mieux que tous les livres d'histoire pour raconter la vie de nos contemporains.
Comme quoi la bd peut distraire, émouvoir et instruire.
A ne pas manquer.
(écrit en 2007, corrigé en 2012)
j'ai été d'abord rebuté après quelques pages, je me demandais où l'auteur voulait en venir, si ça allait enfin démarrer, et puis j'ai vraiment accroché et lu jusqu'au bout...
Bon, ce n'est certes pas une histoire pour se détendre, s'évader, mais qu'est-ce que c'est instructif !!! J'ai appris pas mal sur l'histoire politique de gauche dans notre pays.
Heureusement qu'il y a eu des gens comme les parents de Davodeau...
Lecture tardive, mais mieux vaut tard que jamais. Davodeau nous dresse ici un portrait épuré de militants qu'il connait bien, à savoir sa propre famille et son entourage. Bien plus qu'une auto-biographie, "Les Mauvaises Gens" donne un regard sobre sur quelques personnages simples, pas des héros de la révolution, et sur leur manière de vivre la dégradation lente mais réelle de leurs conditions de vie. Davodeau a évité la facilité en ne donnant pas qu'un seul point de vue: celui des "ultras" syndicalistes violemment anti-patronnat (on aurait alors dit que cet album serait du plus pur "prise de tête"). Au contraire, le rôle de l'Eglise dans le combat social n'a pas été effacé du récit - même si Davodeau s'affirme anti-clérical - et le point de vue de personnes se pliant aux réalités (mêmes dures) des aléas économiques n'a pas été oublié ni tourné en dérision. Un beau travail de recherche journalistique, superbement mis en image par un Davodeau fidèle à son talent. La petite note de dérision qui clôture le récit ("après l'élection de Mitterrand, le plus gros du combat est derrière nous") est bien tapée. Au final, "Les Mauvaises Gens" est un ouvrage indispensable, et même les gens de droite (dont je fait partie) ou n'ayant pas pas de famille au passé militant peuvent le lire sans hésiter.
mon coup de coeur de l'année
pourquoi:
eh bien l'histoire militante des parents de l'auteur qui est developpée dans ce livre c'est celle de mes parents.
certes pas dans la meme region mais au final j'y ai retrouvé beaucoup de souvenirs communs : les reunions a pas d'heures, les candidatures improbables aux cantonales, les collages d'affiches la nuit et j'en passe.
les fans de davodeau retrouveront son ton particulier mais plus dans le veine de "rural": son reportage sur un gaec agricole, que de ces autres ouvrages.
un livre qui restitue tres bien un epoque : celle des années avant 1981 ou la gauche n'avait encore pas accédé au pouvoir,ou le syndicalisme etait encore vigoureusement combatttu,etc
un livre témoignage qui a deja trouvé son public et qui plaira a n'importe quel lecteur un peu curieux
la bédé au service de l'histoire. Davodeau nous livre une chronique sociale tirée de sa propre expérience. Passionnant à lire pour tout féru d'histoire sociale. Egalement un regard décalé sur les évolutions sociales et politiques entre 1935 et 1985.
Adorant Davodeau, c’est sans la moindre hésitation que je me suis jeté sur Les Mauvaises Gens. J’ai directement retrouvé ce dessin simpliste mais efficace typique Davodeau, tout en étant agréablement surpris que dans ce récit il dessine aussi ses parents, mais également lui-même. C’est ainsi qu’on prend plaisir à voir le petit Davodeau un Astérix à la main ou sur une table de dessin avec en face de lui un plumier avec ACDC écrit dessus. Et petit à petit on découvre le petit Davodeau et ses origines.
Ce côté autobiographique de l’ouvrage m’a bien plus. La perception du petit Davodeau de la religion est de la politique est narrée et dessinée comme seule Davodeau est capable de le faire. Seulement, le sujet principal de cet ouvrage n’est pas la famille Davodeau, mais les gens qui militent au sein de cette région catholique et ouvrière et comme le dit honnêtement Davodeau à la fin de cet ouvrage : ce récit est pour eux ! Et donc : pas pour moi !
Le sujet ne m’a donc pas accroché du tout, car lire un récit sur les syndicats, la religion, la politique et ses militants, dans un pays qui n’est pas le mien et une période qui date d’avant ma naissance ... désolé mais j’ai plus tendance à décrocher qu’à accrocher. Donc même si le côté autobiographique m’a intéressé, le côté plus historique et militant m’a plutôt ennuyé et je me vois donc dans l’obligation de donner ma toute première mauvaise note au grand dadais, ... ce qui lui rappellera peut-être l’école.