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uelques semaines ont passé depuis qu'Emmy a appris la vérité sur sa naissance et sa nature. Elle est restée à Harrow County, auprès de Pa', à la ferme et a repris sa vie. Celle-ci a désormais bien changé ; les habitants du conté se pressent à sa porte pour solliciter son aide pour des soins, des maladies ou... tout ce qui dépasserait leur compréhension. Bien que la jeune femme semble avoir trouvé sa place dans la communauté et s'accommode tant bien que mal de son nouveau statut, elle n'en a pas encore fini avec les démons d'Hester Beck. Les demandes particulières de certains habitants et l'arrivée d'un nouveau personnage lui prouveront vite que son équilibre reste bien fragile.
Alors que Spectres innombrables ressemblait à une bataille qui pouvait ne pas en appeler d'autre, la dernière planche laissait augurer ce que Cullen Bunn avait déjà en tête pour le second opus. Dès les premières pages, Bis repetita corrobore cette impression : le scénariste ne compte visiblement pas installer sa série dans une routine qui en diluerait l'intérêt. Tout en exploitant ce qu'il a construit, il rebondit avec une intrigue pleine, prenante et différente dans les ressorts qu'elle met en œuvre. Partant de l'idée, simple, du double maléfique, il réussit fort bien à dynamiser son récit tout en développant le cadre et les protagonistes. Ainsi, sortie victorieuse d'une lutte intérieure intense - contre ses pouvoirs, sa destinée et l'image que les habitants lui renvoyait - Emmy se sent seule (malgré la compagnie de son «familier») lorsqu'elle se découvre une sœur jumelle, Kammi, riche, mélancolique et curieuse. Leur opposition, en plus d'étaler au jour les velléités d'indépendance de certaines créations de leur mère, permet de confirmer ce que le lecteur pressentait déjà : la jeune femme n'est pas dupe et sa naïveté est désormais un lointain souvenir. L'opposition des caractères qui suit renvoie irrémédiablement à l'ambivalence de l'héroïne : de douce, sensible et à l'écoute, elle peut devenir forte, déterminée et sans pitié lorsqu'elle est menacée ou que les siens courent un danger. Au fil des épreuves traversées, elle évolue donc, naturellement, se dévoile encore un peu plus tandis que son univers s'enrichit sans cesse, pour un résultat sans appel : une lecture passionnante et immersive.
Tyler Crook reprend les pinceaux avec le même bonheur, un encrage léger et des couleurs directes à l'aquarelle sont à nouveau utilisés pour un résultat toujours aussi envoûtant. Cette fois, l'accent est mis sur les visages et les expressions. En effet, l'arrivée de Kammi, lui offre l'occasion de relever un joli défi : réussir à différencier les deux jeunes filles au premier coup d'œil et pas seulement grâce aux vêtements ou la coupe de cheveux. Il y parvient avec talent, chacune est reconnaissable instantanément à travers ses émotions ou son regard. Au-delà de la colère, voire la haine qu'elles ressentent par moments, la large palette de sentiments est parfaitement retranscrite et en une case, le changement d'émotion est flagrant. Mais sa prestation s'étend également aux décors soignés et surtout au bestiaire dont la variété est aussi marquante que la monstruosité des créatures, formant un tout cohérent qui participent amplement à l'ambiance angoissante de l'histoire.
Après un tome tout en maîtrise, Bis repetita installe Harrow County comme une série d'épouvante intelligente, qui mise bien plus sur les ambiances et la psychologie que sur le gore. Une série qui rappelle à quel point se faire peur peut-être plaisant et rend accro aux sensations.
Lire la chronique du T.1
Du même niveau que le tome 1. Emmy, la sorcière, est au service des autres et tente de faire le bien. Mais arrive sa sœur jumelle dont elle ignorait l’existence et qui porte le mal en elle.
Le dessin est toujours aussi surprenant. Les couleurs sont magnifiques et servent toujours autant les images.
Les comics ne sont généralement pas ma tasse de thé, mais celui-ci me plait énormément.