C
ette fois, c'est la bêtise de trop : Ange a dépassé les bornes ! Il ira à Paris, chez l'oncle Auguste, pour travailler et aider financièrement les siens, restés à la ferme. C'est ce que son père a décidé. Arrivé à Montparnasse, le jeune Auvergnat se rend vite compte que rien ne sera simple. Personne n'est venu le chercher et c'est à pied qu'il découvre la Capitale, ses ruelles crasses, ses filles de joie et leurs proxénètes. Justement, il remarque la jolie Cléo, tombe immédiatement sous son charme et, visiblement, c'est réciproque. Mais avant de pouvoir vivre leur amour, il va falloir surmonter bien des épreuves : réussir à survivre dans cette ville, y grandir et s'y établir. Chacun à sa manière.
Stéphane Betbeder (Bunker avec Christophe Bec, Dogma, Deep) revient pour un diptyque à la fois dur et tendre autour d'une histoire d'amour impossible. Le Paris du début du XXe siècle lui sert de cadre. Dépeint avec justesse, le lecteur découvre sa misère, sa précarité, ses gens qui subsistent avec de petits riens. Dans ce contexte et une fois la trame centrale rapidement exposée, le scénariste se focalise - contrairement à ce que le titre laisse penser - sur l'évolution de Cléo, sa métamorphose en «cocotte» grâce à sa protectrice. Après les bas-fonds, c'est un autre pan de la ville-lumière qui est ainsi décrit avec l'aristocratie et ses salons feutrés. Si l'auteur aurait pu s'attarder plus longuement sur ce contexte intéressant, il choisit de faire évoluer les deux personnages centraux. Déjà bien caractérisées, leurs personnalités s'affirment rapidement tandis que leurs objectifs se dévoilent et l'issue s'esquisse.
La prestation d'Hervé Duphot aux pinceaux est réussie. Sobrement mais efficacement, chaque personnage est identifiable, chaque lieu reconnaissable et chaque ambiance bien définie. Marquant une évolution par rapport à ce qu'il proposait avec Le tour d'écrou ou bien encore Les combattants, il opte pour un trait semi-réaliste du plus bel effet. Les expressions, les gueules comme les décors sont restitués de manière tout à fait crédible. Le soin apporté à la colorisation n'y est pas étranger. Jouant avec la lumière, les atmosphères poisseuses du début de l'aventure laissant la place à celles, plus festives, d'un Paris nocturne sont restituées avec force. Mises en valeur par un découpage inventif, certaines compositions rendent particulièrement bien.
Bien construit et visuellement abouti, Ange ne suscitera pas la même passion chez tous les lecteurs mais les développements proposés et les pistes entrevues sont autant de bonnes raisons de suivre la destinée du couple dans le second tome, Cléo.
Ange, jeune auvergnat de 16 ans, n’en est pas un. Après avoir incendié et détruit une grange avec un alambic volé à un bouilleur de cru, il est envoyé par ses parents chez son oncle à Paris.
Mais Ange rêve d’indépendance et va vite devenir un « apache » sorte de voyou parisien au début du 20ème siècle. Il va tomber amoureux de Cléo, prostituée de son état. Mais celle-ci, fuyant son proxénète violent, va tomber sous les griffes de la possessive Comtessa, courtisane à la réputation sulfureuse. L’amour qu’elle partage avec Ange n’est pas du tout du goût de la Comtessa. Celle-ci fera appel à l’ancien maquereau de Cléo pour essayer de trucider Ange.
Sans s’élever au niveau de « La fille de Paname » (Casque d’Or) de Kas et Galandon, « L’apache et la cocotte » se lit et se regarde avec beaucoup de plaisir.