C
ette fois, ça y est, c'est le grand soir. Catherine est nommée « top manager » chez Matcheau & Graulourt, et vu les sacrifices consentis, c'est amplement mérité. Lors du cocktail donné pour l'occasion, elle a juste le temps de relire son discours avant de prendre la parole devant ses amis, collègues et employeurs. Le temps peut-être aussi de revenir sur son parcours semé d’embûches qui l'a conduite jusqu'à cette promotion.
La pièce éponyme de Blandine Métayer est un succès depuis septembre 2010. Créée après avoir récolté des dizaines de témoignages de femmes en poste dans diverses entreprises et avec l'appui de Brigitte Grésy (membre du conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes) et Cécile Ferro (sociologue), elle est maintenant adaptée en bande dessinée par Véronique Grisseaux et Sandrine Revel.
Reprenant la forme du soliloque, la scénariste laisse son héroïne retracer comment, à force de travail et de ténacité, elle a su mettre à profit ses qualités pour grimper les échelons de son entreprise. Ponctuant ses souvenirs d'anecdotes souvent surréalistes, pleines de bêtises ou machistes, la nouvelle promue décrit les clichés auxquels elle a été confrontée depuis son enfance. Malheureusement, si le procédé narratif fonctionne au théâtre, il manque ici de dynamisme : le monologue, trop linéaire, lui confère un côté catalogue qui peut lasser.
Certes, l'humour et la dérision sont présents et on rit - souvent jaune - à certaines scènes, notamment lorsque l'un de ses supérieurs ose lui demander « d'attendre six ou sept ans avant de tomber enceinte » ou que l'une de ses amies la torpille pendant une absence. On secoue la tête, consterné devant l'idiotie - ou la lâcheté, c'est selon - de certains mâles (ah, la classe de son ex-mari lorsqu'il la quitte), mais le tout manque de liant et sonne de manière un peu impersonnelle.
Pour illustrer ces souvenirs, Sandrine Revel (Glenn Gould, une vie à contretemps, N'embrassez pas qui vous voulez) accompagne la scénariste. Précis et élégant, son trait ne parvient cependant pas à compenser une narration trop statique. En croquant avec justesse les protagonistes, elle réussit toutefois à rendre parfaitement le côté absurde de certaines situations.
Sans avoir la pêche de la pièce, cette adaptation dresse, elle aussi, un constat affligeant de ce que la gent féminine doit subir dans le monde du travail face à des hommes bourrés d'idées sexistes. Si constater que ces dérives absurdes sont toujours répandues en 2016 est déplorable et que pointer du doigt de telles conduites est malheureusement encore nécessaire, l'ensemble aurait peut-être mérité un traitement plus ambitieux, en s'affranchissant notamment des contraintes théâtrales.
Je suis top ! est un titre qui peut sembler humoristique et qui marque le fait qu’une personne a sans doute un manque manifeste de modestie. Lorsqu’il s’agit d’une femme, cela ne pardonne pas. En réalité, on va suivre le parcours d’une salariée dans l’entreprise qui entre par la petite porte malgré le fait qu’elle soit bardée de diplômes. Puis, progressivement, elle va gravir les échelons pour se retrouver à un poste plutôt important.
Pour y arriver, elle racontera tous les déboires qu’elle a dû subir de la part des hommes. Beaucoup de femmes pourront se retrouver dans ces situations inspirées par une certaine réalité peu reluisante entre blagues sexistes et salaces et absence de promotion lié au congé maternité par exemple. Le coup de karcher, c’est sans doute dans les sociétés qu’il faudrait le passer pour se débarrasser de tous ces petits chefs machos et incompétents ! Ceci dit, on pourra trouver cette bd assez féministe mais il n’en n’est rien.
Pour autant, je trouve que les discriminations ne se limitent malheureusement pas qu’au sexe mais également par exemple aux origines ethniques. Le fait d’avoir un nom aux consonances étrangères peut très vite vous faire perdre des points même à compétence supérieure. Vous pouvez également vous retrouver aux responsabilités mais avec un salaire deux moindres que ses collègues et je sais de quoi je parle. D’ailleurs, une femme manager est également moins payé qu’un homme.
A noter qu'il y a également une véritable dénonciation de la théorie du genre afin sans doute d'inciter les petites filles à ne pas jouer à la poupée mais à faire des jeux plus violents et entrer ainsi dans la compétition car c'est tout un état d'esprit qui s'apprend au plus jeune âge. Le lecteur qui est parent appréciera.
J’ai trouvé ce témoignage assez utile et plutôt sincère de la part de l’auteure. Il est vrai que les préjugés décrit sont des choses que l’on entend souvent comme la promotion canapé. Cette bd est inspirée d’une pièce de théâtre de Blandine Métayer qui a connu un grand succès. On ne se demandera pas pourquoi.
L’œuvre en question se lit très bien entre caricature et humour. Elle renvoie directement à notre quotidien de travail en posant les bonnes questions et surtout en montrant les bons constats. Il est clair que les réactionnaires et ceux qui les suivent n'apprécieront pas. Mais bon, il serait temps de changer les mentalités. Cela commence par cette lecture.