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eo Lander vole vers Kumming, il vient d'accepter l'offre de Hans Romer, son ancien mentor à l'université. Ce dernier est désormais à la tête d'un prestigieux bureau d'architectes et a besoin d'aide pour son dernier projet. À la demande d'investisseurs, il va réaliser une copie conforme de la ville de Zurich au bord du lac Yangzong à une centaine de kilomètre de la capital du Yunnan. Même si les bâtiments et les rues se ressemblent, le choc culturel va se révéler impitoyable pour le pauvre Leo.
Tour-à-tour roman psychologique, métaphore sur le vrai et le faux et fable sur le mirage économique chinois, La ville copiée nargue le lecteur tout en lui titillant l'esprit. En effet, Matthias Gnehm a composé un récit surprenant, à la chronologie décalée et au ton faussement sérieux. En choisissant de quitter son pays, Lander croit avoir trouvé une solution à ses problèmes personnels, tout en donnant une direction à sa vie professionnelle. Tel Tintin arrivant en Syldavie, il découvre son nouvel Eldorado via un dépliant publicitaire. Une nouvelle ville à la pointe de la technologie verte basée sur une des cités les plus réputées du monde : l'affaire est alléchante ! La réalité va évidemment être toute différente et, grâce à un joli jeu de miroir graphico-scénaristique, Leo va se retrouver à la case départ sans trop comprendre ce qu'il lui est arrivé. Truffé de pistes contradictoires, le scénario s'égare parfois (le trafic d'Art de Romer, par exemple), mais arrive toujours à ses fins.
Un dessin riche en nuance illustre d'une très belle manière cette étrange odyssée. Avec un trait rappelant celui de Miguelanxo Prado de la période Traie de craie, Gnehm en impose grâce à une maîtrise impressionnante des pastels et des crayons gras. Le rendu des matières est admirable. De plus, le côté très doux des dessins baigne le récit d'une d'atmosphère éthérée parfaitement en accord avec le doute existentiel dans lequel le protagoniste principal surnage. Pour finir, le format tabloïd presque carré renforce l'unicité de l'ouvrage en soulignant le côté singulier et décalé de ce voyage en terre inconnue.
Tragi-comédie dans l'air du temps, La ville copiée s'amuse des clichés de son époque tout en proposant une réflexion intéressante sur les faux-semblants des choses et de la nature humaine. Le propos est classique, mais hautement jouissif grâce à une réalisation impeccable et un humour pince-sans-rire bien dosé.
Après l’excellente surprise du diptyque « Mort d’un banquier », je me suis procuré cet album correspondant à la huitième bande-dessinée de l’auteur suisse Matthias Gnehm, (dont seuls quatre opus ont visiblement été traduits en français).
On retrouve bien le trait caractéristique très prononcé et difforme des personnages, dépeignant l’étrangeté et les dysfonctionnements de notre monde, avec un récit qui met en scène une ville « made in China » anxiogène, bétonnée à outrance et tentaculaire à souhait ; d’ailleurs les décors sont fourmillant de détails et rendent bien le côté grisâtre et urbain de cette nouvelle Zurich.
Le personnage principal va se retrouver ainsi perdu dans un pays et une culture dont il ignore beaucoup de choses, mais également perdu au sein de ces villes géantes qui sortent de la terre telles des champignons. L’histoire est remplie de surprises, inattendue et manipulatrice à souhait pour le plaisir du lecteur jusqu’à cette conclusion glaçante.
Comme pour la « Mort d’un banquier », Gnhem s’emploie à mettre en avant des thématiques intéressantes : il passe au vitriol l'industrialisation, les excès du capitalisme, de l’urbanisme de la Chine actuelle mais aussi de nos sociétés occidentales.
bon album, intéressant, sujet assez original. On est dès la première page plongé dans l'histoire et on en ressort satisfait de la lecture.