E
ntre l'école, les copains et la maison, ou plutôt l'appartement dans cet immense complexe type HLM, la vie de Yong, douze ans, est bien chargée. De plus, avec un père plus intéressé par ses parties de mah-jong que par les siens, une grand-mère déclinante et un petit frère trop collant, sa mère attend de lui qu'il se tienne droit et qu'il aide aux tâches ménagères. Enfin, on fait aller, à chaque matin suffit sa peine.
Album en provenance de Singapour, L'homme de la maison est une chronique douce-amer sur le passage à l'adolescence doublée d'un portrait frontal d'un pan de la société de cette cité-état où s'empilent plus de cinq millions d'habitants sur à peine sept cents de kilomètres carrés. Dave Chua y décrit scrupuleusement le petit train-train d'une famille comme il en existe beaucoup. La narration au ton posé est rythmée par la routine journalière. Entre aliénation due aux lieux – les grandes barres d'immeubles et une cité où tout semble comprimé - et la pression sociale omniprésente (honneur, religion, rigueur absolue de l'éducation, etc.), l'existence de Yong semble figée et sans avenir. Il n'est pas un rebelle comme son ami Liang, mais ça bouille à l'intérieur ! Écrasé par ses responsabilités, il résiste le mieux possible aux tentations et espère que cela ira mieux demain, dans quelques années, ou jamais.
Avec un style proche de certaines bandes dessinées indépendantes américaines (Adrian Tomine vient immédiatement à l'esprit, tant sur la forme que sur le fond) et quelques emprunts aux mangas (le Domû de Katsuhiro Otomo et ses buildings oppressants), Koh Hong Teng montre sa ville avec précision et sans parti pris. Parfaitement en accord avec le scénario, il met en avant la réalité, telle qu'elle est, et rien d'autre. Le résultat n'est pas austère pour autant : les personnages sont attachants grâce à leurs qualités et leurs défauts et seule la société singapourienne dans son ensemble en prend vraiment pour son grade. Peine perdue néanmoins, car ces « attaques » ne changeront rien au statu-quo. Entre respect des traditions et impossibilité de vraiment agir, le constat final était déjà connu de tous : « Le bonheur repose sur le malheur, le malheur couve sous le bonheur. Qui connaît leur apogée respective ? ».
Profond et d'une grande richesse psychologique, L'homme de la maison offre une plongée fascinante sur un petit point du monde méconnu et ses habitants.
Je n'ai pas été convaincu par « l'homme de la maison ». Le récit est beaucoup trop contemplatif à mon goût et il faut se perdre dans tous ces petits riens qui semblent donner un sens à l'existence. Or, je n'ai guère ressenti de l'émotion à travers ces tranches de vie d'un adolescent vivant à Singapour.
Il est pourtant rare de rencontrer des récits se situant dans cette ville peu ordinaire. J'avais été attiré en pensant que j'en apprendrais un peu plus d'où une certaine déception. Cependant, on a eu droit à une longue routine. Dommage car c'était également bien dessiné.