L
orsque la directrice de la maison de retraite lui fait comprendre qu’elle ne pourra pas garder plus longtemps sa mère, Nathalie se demande comment elle va se débrouiller ! Toutefois, ce qui l’interpelle le plus c’est que celle-ci se prend pour Dolorès et ne parle désormais qu’en espagnol, elle qui n’en a jamais prononcé un traître mot…
Prétextant une confusion mentale où passé refoulé et présent confus se confondent, Bruno Loth établit un parallèle entre l’Espagne de 1939 et celle d’aujourd‘hui. Même si les deux époques sont différentes, elles se caractérisent par une forme de résistance sociale, une volonté à rendre le monde meilleur qu’illustrent les Républicains d’un côté et le mouvement Podemos de l’autre.
Dolorès qui donne son nom à l’album, n’est qu’un prétexte, tout comme le voyage de sa fille n’est qu’une manière de s’affranchir du remord d’avoir méconnu sa mère. Revenant dans cette Espagne qui fut le théâtre de sa première série, l’auteur d’Ermo s’oriente rapidement vers un décryptage de l’évolution que connaît actuellement la patrie de Cervantès. Au-delà d’une espérance dans une gouvernance plus juste qui a fait un temps vibrer la Grèce, ce récit est l’occasion de revenir sur l’exode qui vit - entre fin janvier et la mi-février 1939 - plus de 500.000 réfugiés espagnols traverser les Pyrénées ou la Méditerranée pour arriver en France. Trouvant, à travers la Retirada, un écho dans l’actualité du moment, ce livre permet de mettre en perspective, tout en le relativisant, l’afflux de 30.000 migrants que l’Hexagone s’apprête à recevoir.
Si Dolorès interroge humainement, l’album papillonne et demeure somme toute superficiel : à vouloir aborder plusieurs thèmes pour le moins complexes, il ne peut - au regard de sa pagination - le faire vraiment en profondeur. Reste toute de même cette aspiration à faire connaître, à défaut de réellement l’expliquer, un pan de notre identité nationale, car qui aujourd’hui n’a pas un parent ou un ami descendant de ces réfugié(e)s espagnol(e)s de 39 ?
Les souvenirs de la guerre d'Espagne ne sont pas de très bons souvenirs pour les populations ayant connu la souffrance durant cette longue période. Ils se battaient vraisemblablement pour une cause juste contre les nationalistes alliés à Hitler et Mussolini. Il faut dire que la répression menée par Franco par la suite fut des plus terribles.
Or, ce sont tout ces pénibles moments qui resurgissent à la fin de la vie d'une vieille dame dans un hospice pour personne âgée. Sa fille va tenter de voir pourquoi elle parle en espagnol alors qu'elle ne l'avait jamais fait. Elle remonte les traces du passé de tout un peuple. On aurait sans doute aimé une plus grande interaction entre la fille et la mère par rapport à cela. C'est plutôt l'Histoire qui prend le dessus sur le drame personnel. J'ai eu un peu de mal pour m'attacher à ces personnages. A vrai dire, je n'y suis pas parvenu.
Pour le reste, la mémoire d'événements tragiques est sans doute nécessaire pour se construire.
Une clef de l'histoire européenne, les racines de beaucoup de nos contemporains, amis, voisins, avec la grande difficulté d'oser parler de cette plaie à peine cicatrisée...
Une visite (rapide) dans une maison de retraite, et une fresque historique à lire absolument !