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aris, 1934. Un ancien bagnard, un gros type qui joue aux courses et une donzelle qui l’accompagne. Et un chauffeur. Le tout dans un troquet tout ce qu'il y a de plus banal. Voilà, le décor est planté. Et au milieu de tout cela, une histoire qui mêle vengeance, magouilles et un semblant d’amour.
Il a du chien, ce livre. Un dessin qui a de la gueule, c’est sûr, et une mise en couleurs plutôt sobre, classieuse. La narration est nickel aussi ; ça se lit presque tout seul. Les personnages valent le détour : bien campés, avec des répliques qui claquent et des envolées bien senties. Bref, tout est amené comme il faut, pas de fausse note à l'horizon.
Le bémol ? C’est qu’au bout du compte, même si c’est joliment fait, il y a quand même de quoi être dubitatif. En fait, on n'est pas loin de se demander pourquoi quelqu'un a jugé bon de raconter cette histoire. Un peu dommage, non ?
« Apache » c’est la première bande dessinée réalisée par Alex W. Inker en mars 2016, déjà chez Sarbacane , déjà dans une gamme restreinte de couleurs, déjà original par sa facture à l’italienne. Des prémisses donc de ce style si particulier que l’on retrouvera dans les œuvres suivantes.
Il n’est nullement question de western ici mais du Paris de la Belle époque et de l’après grande guerre ; « un Apache » c’est un voyou dans l’argot de l’époque ! Dans ce Paname des années vingt, un soir, un couple mal assorti, un vieux riche adipeux et une jolie poulette noire à la perruque blonde, déboule dans le bistrot d’Eddy ex-bagnard. Leur voiture est tombée en panne alors qu’ils se rendaient aux courses et Monsieur veut écouter les résultats car l’un de ses chevaux est en lice. Pendant qu’il est pendu à la TSF, Eddy et la jeune femme s’observent, bavardent et trinquent ; survient le chauffeur qui annonce que leur véhicule est réparé…
Tout commence dans un huis-clos poisseux, mais nous nous échappons à plusieurs reprises du troquet par des flash-backs joliment amenés qui nous ramènent à la période de l’avant-guerre ou du Front et lient de façon surprenante les protagonistes entre eux.
C’est un très bon polar bourré de références au film noir mais l’humour est aussi souvent présent dans ces pages ; d’ailleurs même les "Pieds-nickelés" s’invitent dans cette Bd au détour d’une case ! In fine, les truands sont plus stupides qu’effrayants et leur quatuor improbable est assez jubilatoire. Et puis il y a bien sûr la présence cet argot gouleyant (pour ceux qui s’y perdraient perdus un lexique est fourni en fin de volume), ce nuancier de couleur orange , cet association d’aplats et de trames, qui rappellent les albums de « Zig et Puce » ou de « Felix The Cat » !
Un très beau coup d’essai !
Dépressif le rédacteur au moment de cette chronique ( en tout cas lors des trois dernières ligne)? Tout juste la moyenne ( alors que tout est dit dans le deuxième paragraphe) me semble bien sévère. Certes c'est un exercice de style mais quel exercice! Claque graphique pour ma part bien appuyée par un récit mené sans fausses notes, des références bien senties (quel plaisir de croiser les pieds nickelés ou sacha guitry) et un très beau format à l'italienne (merci sarbacane). Cela m'a rappelé ma découverte de mezzo et pirus avec "deux tueurs". Vite le prochain Mr Inker!!