I
l est des occasions qui doivent être saisies, encore faut-il le pouvoir ! Antoine Boitelle se souvient de cette "négresse" rencontrée au café des Colonies. C’était au Havre, il y a bien des années, et il voulait l’épouser !
Inspirés par une nouvelle de Guy de Maupassant parue en 1889, Didier Quella-Guyot et Sébastien Morice reviennent sur le destin de ce paysan, amoureux d’une Africaine, mais qui se trouva en bute aux préjugés de ses parents, à l’obscurantisme du curé et de bien d’autres, tant et si bien qu’il rentra dans le rang et devint, par dépit, ordureux.
Ce qui, de prime abord, pourrait apparaître comme une attirance passagère pour l’exotique devient très rapidement une passion. Si la différence entre Antoine et ses parents peut surprendre, il ne peut cependant se soustraire aux contingences du temps qui font qu’un bon fils se doit d'être avant tout obéissant. Au-delà de l’ostracisme du pays de Caux de l’époque, il est également question de pression sociale, de bienséance morale et de tout ce florilège d’a priori qui fait que ce qui est étranger est forcément suspect. Mais même si Boitelle a cédé, il ne reproduira pas le modèle !
Alternant en off certains passages de l’œuvre originelle et des dialogues de son fait, Didier Quella-Guyot ancre résolument son histoire dans les pas de celle écrite par Maupassant et ne semble guère vouloir s’en écarter. Dans le même temps, Sébastien Morice sait - avec son trait semi-réaliste caractéristique - inscrire le récit dans cette fin de XIXe, privilégiant un découpage et une mise en couleur des plus classiques qui manquent de rythme et de volume.
Chronique d’une France paysanne, Boitelle et le café des colonies - précédemment édité en 2010 par Petit à Petit - retranscrit d’une manière quelque peu naïve un racisme ordinaire qui vaut pour tous ceux qui ne sont pas dans la norme.
Je ne connaissais pas cette nouvelle de la littérature classique. Aussi, cette adaptation de Maupassant m'a permis de la découvrir alors que je ne l'aurais plus lue du tout à moins de retourner à l'école. Le support bd a le mérite d'élargir le public.
Nous avons ici une approche originale du thème du racisme à la fin du XIXème siècle. C'est fou que les choses ont changé en l'espace d'un siècle. Qui, de nos jours, irait demander à ses parents de bien vouloir l'autoriser à épouser la femme de sa vie qui serait de couleur ? Je déplore le manque d'audace de notre héros qui ne connaîtra plus le frisson du grand amour. C'est triste d'en arriver là. Le pire, c'est que l'actualité est là pour nous rappeler tous les jours que le racisme existe encore. Ce n'est malheureusement pas un anachronisme !
Une lecture en tout cas agréable pour une bonne fluidité de l'ensemble ce qui n'était pas évident au premier abord s'agissant de littérature classique. Une bonne adaptation en tout cas !
Au début du 20ème siècle, le jeune Antoine Boitelle fait son service militaire dans la ville du Havre. C’est là qu’il fait la connaissance de Norène serveuse noire au café des colonies. Dès qu’il l’aperçoit, Antoine n’a d’yeux que pour elle. Sa bonne humeur permanente est pour lui un véritable enchantement. Après trois mois de sorties diverses dans la ville, Antoine décide de présenter son amoureuse à ses parents et de la demander en mariage. Même si les parents, après de premiers moments délicats, semblent conquis par l’enthousiasme de Norène et sa volonté de bien faire, ils ne peuvent s’empêcher de penser au qu'en-dira-t-on des villageois. Pour la mère d’Antoine, celle-ci est vraiment trop noire. Ainsi, prisonniers de leurs scrupules, ils préfèreront leur confort au bonheur de leur fils. Voilà une histoire, adaptée d’une nouvelle de Maupassant, emplie de racisme, mais surtout de préjugés qui, à priori, parait aujourd’hui totalement surréaliste. Hélas chaque époque porte son lot de préjugés… Cette Bd aux dessins lumineux, imprégnée de poésie, est vraiment une réussite.