D
olores naît en 1895 dans une famille de mineurs du pays basque espagnol. Brillante à l'école, la jeune femme ambitionne de devenir institutrice, mais ses parents, trop pauvres pour assumer ce qu'ils considèrent comme une lubie pour gamine riche, la placent à quinze ans comme couturière. Trop rebelle, Dolorès se met à faire les ménages jusqu'à ce qu'elle épouse un militant socialiste qui sera emprisonné à plusieurs reprises à partir des grèves de 1917. Sa carrière de mère étant brisée par la mort en bas âge de cinq de ses six enfants, Dolorès prend la liberté de s'engager dans les jeunesses communistes. Très rapidement, sous le nom de Pasionaria, elle devient la plume et la nouvelle égérie du Parti.
Figure emblématique de la Guerre d'Espagne, le destin de Dolorès Ibárruri aurait mérité une biographie à la hauteur de sa renommée et de sa destinée unique. Le récit de sa vie mouvementée est déroulé avec la froideur d'une page Wikipédia, comble pour une femme dont le surnom illustre la vigueur de son engagement idéologique. Aucune émotion ne surgit de ces pages, que ce soit dans les moments de victoires ou dans les drames, lorsqu'elle enterre les siens, lorsque son dernier fils meurt à Stalingrad, ou encore lorsque les troupes franquistes sont à sa porte et que toutes ses illusions s'effondrent. Il manque aussi son exil dans l'URSS de Staline où elle aurait pu confronter la réalité stalinienne à ses idéaux utopiques. La fin du livre avec son retour quarante ans plus tard donne un indice sur ses contradictions, où malgré son élection symbolique aux Cortes, elle apparaît comme un anachronisme vivant. Hélas, La Pasionaria reste impénétrable, un icône lointaine, presque inhumaine. Et cet aspect clinique de la narration est renforcé par le dessin qui semble être un assemblage de gravures anciennes peu expressives. S'agit-il d' un effet voulu de style ? Les personnages ne s'animent pas, aucune expression n'habite leurs visages mornes à la fois semblables et irréguliers. Dolorès change de physionomie d'une case à une autre, au point qu'il est parfois difficile de la reconnaître.
Une Pasionaria sans âme véritable, c'est bien dommage.
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