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okyo, 1968. Comme à Paris ou à San Fransisco, toute une jeunesse – les baby-boomers nés au sortir de la deuxième Guerre mondiale – se cherche et défie « l'ancienne » génération. Dans une société aussi codifiée et ayant connu un tel développement économique que le Japon, ces « rebelles » vaguement gauchistes ont bien de la peine à trouver leur place. Échoué au bar jazz Village Vanguard, N, un criminel en fuite, fait la connaissance de T, un zonard vaguement cinéphile. Ce dernier a un projet de film dans la tête, mais pas de budget. Comme la mode est à la réquisition et la redistribution des biens du capital, les deux hommes en viennent à imaginer un hold-up afin de financer leur entreprise.
Œuvre ambitieuse de grande envergure, Unlucky Young Men dresse un portrait édifiant d'un Japon en pleine mutation. Les héros, T et N en premier lieu, mais aussi toute une brochette de personnages écorchés vifs (jeunes femmes en mal d'émotion, militants extrémistes, policiers) errent dans les bas quartiers de la capitale. Ils se croisent, se jaugent, s'affrontent, s'aiment parfois et se déchirent immanquablement. Pour tisser cette toile humaine, Eiji Otsuka s'est inspiré de personnes réelles comme Norio Nagayama, un assassin devenu écrivain en prison, Takeshi Kitano le célèbre cinéaste, Hiroko Nagata, la terrible présidente de l'Armée Rouge Unie et Yukio Mishima, un écrivain nationaliste. En mélangeant ainsi réalité avec fiction, le scénariste renforce le sentiment d'immersion dans cette époque. Très pointue, l'écriture demande cependant un peu d'effort. En effet, si certains renvois musicaux ou cinématographiques sont aisément compréhensibles, une bonne partie des références politiques ou culturelles – les haïkus de Kenzaburo Oe qui ferment les chapitres, par exemple - demandent une bonne connaissance de la culture nippone pour bien s'apprécier. Au final, en plus de son fond historique, l'album s'avère être également un thriller psychologique passionnant à découvrir.
Graphiquement, l'amateur de manga réaliste ne sera pas déçu par cette histoire. Le traitement tout en grisé à l'aide de trames très denses de Kamui Fujiwara donne beaucoup de matière au rendu général. L'atmosphère est d'ailleurs exemplaire : lourde et pesante comme l'âme tourmentée d'un adolescent à la dérive. La mise en page volontairement dénudée lorgne évidemment vers un certain cinéma vérité tel prôné par l'ATG (Art Theatre Guild, le principal producteur de l'avant-garde japonaise) ou plus près de nous, par la Nouvelle Vague chère à Jean-Luc Godard et son Pierrot le Fou.
Imposant par sa rigueur et son ton implacable, Unlucky Young Men est un ouvrage exigeant qui trouve parfaitement sa place au côté des œuvres de Yoshihiro Tatsumi. À noter, vue la nature très crue et violente de certaines scènes, ce livre est à réserver aux lecteurs avertis.
Après "Mishima Boys – Coup d’état", je découvre une seconde œuvre de ce mangaka engagé dans des titres plus sérieux qu’à l’accoutumée. Le fond reste toujours celui du Japon des années 60 marqué par la violence étudiante et le terrorisme.
C’est un pays qui se rebelle contre l’autorité entre tradition et modernité : toujours le vieux débat. On va croiser une bande de jeunes gens assez marginaux dans leur mode de vie ou de pensée. Cette œuvre nous éloigne des standards habituels.
Cela avait tout pour me plaire et pourtant, cette œuvre n’est pas parvenue à me convaincre et surtout à me passionner. C’est assez mou dans la réalisation. Je ne critiquerais pas le dessin qui me semble à la hauteur.
Incontestablement, la mise en scène souffre de lenteurs rendant ce récit assez lénifiant. On s’intéresse à des personnages qui ne vont pas forcément marqué cette histoire. C’est un peu désorganisé. Bref, l'envie fait défaut.