C
harles, chevalier d’Éon est ambassadeur à Londres. Il reçoit avec prodigalité, les plus grands du Royaume. Et sous les oripeaux de Lia, il dessine la carte des côtes anglaises en vue d'une invasion. Mais, hélas, sa fonction prestigieuse excite les jalousies : comment un homme de si basse noblesse peut-il siéger aussi haut ? Afin de calmer les esprits, Louis XV nomme un imbécile bien titré : le comte de Gerchy. Mais l'idiot de façade ne trouve rien de plus intelligent comme entrée en matière d'humilier Éon. Celui-ci, avec son esprit insolent et sa langue affûtée, ne se prive pas de riposter. Commence alors sur le sol anglais, une terrible guerre à couteaux tirés entre les deux diplomates français.
Le premier volume était une belle entrée en matière sur un personnage ambigu et légendaire. Ce dernier tome décompose la métamorphose du héros en cette créature hermaphrodite qui défraye la chronique. Avec l'âge et l'expérience des roueries du Secret, une certaine maturité de la part du chevalier était escomptée, mais celui-ci enchaîne les imprudences. Alors que Londres est le théâtre de son affrontement avec Gerchy, il suscite la jalousie du roi d'Angleterre, par son amitié avec la reine Sophie. Sa virilité est mise en question, par son adversaire mais aussi par sa royale amie. Éon se trouve alors piégé contre son gré dans les oripeaux féminins, contraint d'officialiser son personnage, jusqu'à devenir, quelle ironie, une icône féministe avant l'heure. Le rythme s'accélère, les sujets à traiter dans cet opus sont nombreux : la dépression galante de Louis XV, l'arrivée d'un nouveau monarque qui démantèle le joujou de son successeur. Les années défilent au triple galop, Éon s'empâte et se débat contre sa nouvelle identité, bien loin du personnage LGBT avant l'heure, icône du libertinage. Le dessin est vif, à l'instar du tempo de l'intrigue, toujours servi par cette colorisation pastel criarde qui a pu choquer lors de la sortie du premier volet, des tons purs Pompadour, en accord avec l'imagerie et le mobilier du règne.
La conclusion est à la hauteur des attentes, pour ce qui s'affirme comme un très beau diptyque que l'on referme à regret.
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