L
aurent est un loser. Il passe son temps à baisser les yeux devant sa femme, son chef, devant les brutes au regard mauvais du métro. Un soir, c'est l'agression de trop. Dépouillé de son portable par un groupe de racailles, humilié, il craque et décide de passer de l'autre côté de la barrière. Désormais, la peur va changer de camp : il sera un prédateur. Hélas, on ne s'improvise pas fauve sans conséquences.
Avec en toile de fond, les émeutes de 2005, Ligne B est un exutoire à la frustration contemporaine générée par l'impuissance. Symbole du français moderne, Laurent subit un quotidien qui le maltraite : en tant que citoyen, face aux journaux télévisés et politiques qui imposent un monde régi par la doctrine TINA ("There Is No Alternative") ; en tant que conjoint toujours en train de se faire rabaisser par sa compagne ; en tant que salarié précaire, juste bon à se faire houspiller par un petit chef à peine moins précaire ; et enfin en tant que proie des terreurs du RER. Un cocktail parfait pour une explosion. Et c'est à travers un look agressif et un comportement brutal que Laurent va se sentir enfin un homme, libre. Mais la violence n'est qu'une échappatoire, pas une solution et le héros l'apprendra très vite. Avec cette chronique sociale dérangeante, Julien Revenu signe une première œuvre complète aboutie. Son trait à la Riad Sattouf et sa colorisation en ton de gris posent une histoire à la fois légère et dure. Légère, car elle narre un fantasme que l'individu lambda aime caresser : celui de la puissance, de sentir cette sensation enivrante de se sentir au dessus du lot des moutons modernes. Dure, parce qu'elle touche à la noirceur de chacun.
Chronique sociale douce amère, Ligne B est la première bande dessinée d'un jeune auteur prometteur.
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