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lan foireux ou chance unique d'assister à un concert de la "Mano" sur Bordeaux ? Frantz et Mike ont pris leur décision, ils vont se taper cent bornes en mob'. Peu importe ce que disent les parent ou qu'il y a école : « la vie c'est pas un brouillon, c'est tout de suite maintenant ! »
Toujours avec une chanson à la bouche, Frantz Duchazeau (Lomax, Le rêve de Meteor Slim) se dévoile un peu avec un épisode marquant de sa jeunesse dans La main heureuse. Derrière une couverture à l'esthétique discutable et un titre quelque peu malheureux (l'auteur ne voulait certainement pas faire d'ombre à Marc Dacier) se cache un petit récit autobiographique déguisé en road movie au guidon d'un bolide de 49 cm³ (attention, la béquille ne tient pas). Deux adolescents décident de « s'émanciper » en allant voir un concert de la Mano Negra, le combo à la mode des rebelles alternatifs du début des années quatre-vingt-dix. Quoi de plus emblématique que le rock pour s'affranchir des codes sociaux et se forger sa propre identité ? Par contre, avant l'extase musicale, il y a de la route à faire.
Oscillant entre un minimalisme misant sur l'évocation et un onirisme reprenant l'esthétique des pochettes de disques et des clips de la bande à Manu Chao, la narration demande une participation plus qu'active au lecteur et laissera sans doute de marbre ceux qui seraient directement passé du punk au grunge. Heureusement, entre deux pogos endiablés, le scénariste évoque avec sensibilité sa propre situation personnelle (la puberté, la réalisation de tout ce que le monde à offrir) et familiale (ses angoisses face aux disputes entre ses parents). Au final, ces différentes séquences finissent par s'accorder et, grâce à un humour omniprésent, à offrir une partition pleine de rythme et de fougue.
Une référence connue de (presque) tous associée à des fragments autobiographiques, La main heureuse se révèle gagnante, spécialement auprès des nostalgiques de la « Mala vida » et de « Puta's Fever ».
Je suis navré de poster un avis négatif sur un album de Duchazeau qui est l’un de mes dessinateurs préférés mais hélas, « La main heureuse » est pour moi un énorme plantage !
Le pitch ? Années 90, deux jeunes décident de faire 100 km en mob pour aller à un concert de la Mano Negra...
Au lieu de faire de ce périple le passionnant rite de passage à l’âge adulte qu’il aurait pu être, Duchazeau opte pour une hagiographie assommante du groupe, quasiment divinisé, à laquelle il est impossible d’adhérer. Tous les vrais sujets (sociaux, familiaux, générationnels) sont évacués en trois cases et le récit perd tout sens.
Même le dessin subit une cure drastique : pas de contraste, pas de nuance, pas de texture...
Moi aussi j’ai adoré la Mano à l’époque, mais je ne me reconnais absolument pas dans cette vénération surjouée qui hypnotise ces ados, et leurs visions mystiques me semblent un peu ridicules.
Bref, très déçu de ce rendez-vous manqué avec cet admirable auteur, et plus que sceptique sur l’intérêt d’une telle BD.
Fan de la Mano Negra ou non, l'ex-adolescent perdu dans une province somnolente où les rêves menacent toujours de finir écrasés par la banalité de la vie et le renoncement facile se reconnaîtra aisément dans cette épopée à mobylette (chez moi, on disait à "chiotte", c'était dans les années 70) pour essayer d'aller voir son groupe favori jouer loin, trop loin de chez soi. Pour vibrer à leur musique comme on vibre vraiment à cet âge-là. Pour oublier aussi les crises familiales (pour Duchazeau, le divorce douloureux de ses parents, qui lui arraché les membres un par un), ou bien les filles qu'on commence à trouver belles mais tellement inaccessibles. Pour vivre, avant tout. Et vivre AUJOURD'HUI. "We want the world and we want it now" chantait Jim Morrison, ma Mano Negra à moi. Bon, "la Main Heureuse" est un livre qui frappe juste, et fort. Grâce à un dessin remarquable, dans le dépouillement mas également dans la précision. Grâce, je l'ai dit, à la pertinence de cette représentation, assez noire finalement, de nos existence bornées mais qui résistent. Pourtant, au final, on sort de ces 100 pages élégantes avec une frustration très forte : c'est que, même si l'on ne contredira pas le choix de l'ellipse finale (ce concert parfait, nos deux ados l'avaient déjà tellement vécus dans leur tête qu'il ne fallait sans doute pas le représenter), le rôle croissant des pages "oniriques" dans le récit de Duchazeau, qui intrigue au début, finit vite par lasser, puis par irriter : en dé-réalisant une chronique dont la force vient au contraire de son absolue véracité, et de son universalité, Duchazeau perd le fil, et l'attention de ses lecteurs. Abandonnés sur le bas côté d'une histoire qui était pourtant la nôtre, nous en voulons beaucoup à Duchazeau pour cet échec.