1925. Rose débarque de Quimper pour devenir "demoiselle du téléphone" à Paris. Victor aime la boxe, il s'est fait coincer par la police lors d'un casse. Soit il accepte de jouer les indics pour faire tomber M. Paul, un trafiquant de cocaïne, soit il part faire un séjour en prison...
Chronique des années folles, Rose de Paris démarre un peu comme Kiki de Montparnasse avec son héroïne de province qui débarque et va se faire happer dans le tourbillon étourdissant du Bal Nègre. Difficile de faire l'impasse sur l'incontournable Montparnasse et ses noms célèbres : Foujita, Hemingway, Gide, Man Ray, Joséphine Baker... que Rose va obligatoirement croiser. Pourtant, Gille Schlesser, dont c'est la première bande dessinée, en scénariste aguerri, évite cette facilité. Combinant histoire d'amour, polar et constat social, il dévoile ce qui se cache derrière cette façade pétillante de carte postale.
Sous les paillettes, la boue, les bas-fonds de la capitale : son petit peuple en proie à la misère d'entre-deux guerre et particulièrement le statut des femmes en plein bouleversement. Elles ont soutenu l'effort de guerre, se sont immiscées dans toutes les couches laborieuses, mais n'en retirent aucune reconnaissance : inégalité criante de salaire (toujours d'actualité 90 ans plus tard), mépris des politiques - "il y a trop de chômage, qu'elles aillent faire des enfants pour repeupler la France"-, la dure condition des veuves de guerre contraintes au tapin ou au trafic pour survivre, à la drogue et aux avortements clandestins... Cette facette à double tranchant est symbolisée par le personnage de Sidonie, avide de plaisirs, de reconnaissance et d'élévation, qui finira par se brûler les ailes. Encre soulignée de lavis, le dessin d'Eric Puech offre une ambiance graphique de film d'époque qui contribue au réalisme et à l'immersion.
Ayant pour vocation de faire connaître et aimer leur cité, les éditions Parigramme réussissent un bel essai en offrant un panorama complet du Paris des années vingt.
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