Octobre 2024. Entre le parti de la Légitimité Blanche et l’organisation terroriste de l’Hydre, une menace imprécise pèse sur le monde. Le journaliste Malcolm Lean, mandaté par les États-Unis d’Afrique, enquête dans le Zurich dépeuplé d’un vingt et unième siècle aseptisé…
Un pitch comme celui-là, on s’en pourlèche. Il faut dire que la vision du futur qui y est proposée est parfaitement crédible, même aujourd’hui, alors que la première édition de l’album date de 1987. Les éléments qui ont présidé au retournement géopolitique du monde sont d’ailleurs soit avérés (peur de l’an 2000, vieillissement,…) soit d’une brûlante actualité (guerres néo-islamistes, effondrement des anciens systèmes,…). Est-ce pour cela que l’ouvrage n’a pas pris une ride ? Sûrement. En plus, la mise à jour n’est pas une réédition ordinaire ; la présentation est retouchée, tout comme le noir et blanc d’origine se pare de couleurs. Généralement, ce genre de colorisation a posteriori débouche sur un résultat contestable. Ici, pourtant, la manœuvre – voulue par les auteurs, apparemment – est une réussite. Elle donne du contraste à un trait qui n’était peut-être pas encore tout à fait maîtrisé, et de la profondeur à une ambiance qui n’en est que plus oppressante. Les teintes sont d’ailleurs elles-mêmes très sombres, vaporeuses, sans prendre le pas sur la tonalité originelle. Bref, plus qu’une remise au goût du jour, l’opération témoigne d’une réflexion par le dessinateur et le scénariste sur leur propre travail, travail qui a demandé un engagement complet. Le livre s’en ressent, avec un caractère débordant d’une originalité parfois outrancière. Ainsi, la narration, à l’image d’une action qui couve longtemps avant d’éclater, est lente, voire pesante. Morcelée, aussi. Il faut un moment pour se rendre compte de qui est qui, de qui fait quoi et surtout pourquoi. Les liens entre les personnages se révèlent petit à petit, à l’image des données factuelles décrivant un monde très gris, miné par la haine et les dissensions alors même que la conquête spatiale offre des opportunités. La rancune, tenace, est pour beaucoup dans l’immobilisme ambiant, dans cette incapacité de construire et d’aller de l’avant que nombre de citoyens semblent ressentir.
Offrant une vision à la fois calme et horrifiée d’un avenir possible, Requiem blanc invite à une immersion totale, à un plongeon dans un univers dérangeant mais ô combien fascinant, servi par un graphisme d’une personnalité rarement vue. À défaut d’être parfaitement abouti, le résultat a un pouvoir d’attraction hors du commun.
Des mêmes auteurs : Le Transperceneige
Poster un avis sur cet album