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hlorophylle est brutalement tiré de son hibernation. Avec Minimum, il est invité par le roi Mitron à assister à l’avant-première du film tiré de ses aventures sur l’île de Coquefredouille : Embrouilles à Coquefredouille. Hélas, le séjour ne va pas être de tout repos, les séparatistes de la Turbine étant bien décidés à profiter de la manifestation pour afficher violement leurs revendications.
Les éditeurs semblent vouloir continuer à faire fructifier leur patrimoine, non seulement à travers la sortie de nombreuses intégrales de vieilles séries, mais aussi en permettant leur reprise. Ainsi, près de quarante ans après la parution du dernier album – qui, déjà, n’était pas de Raymond Macherot –, voici le retour de Chlorophylle, le plus célèbre lérot de la bande dessinée. C’est Zidrou (scénario) et Godi (dessin), responsables de L’élève Ducobu, qui s’y risquent.
Inutile de faire durer le suspense : le contrat est rempli. Zidrou se fond dans l’univers originel avec aisance, tout en adoptant un ton plus moderne. Ainsi, au détour des péripéties qui jalonnent le récit, il aborde aussi bien la question des relations de Chlorophylle avec le sexe opposé que des thèmes de société tels que l’homosexualité, la paternité non reconnue ou encore la misogynie. Rassurez-vous, ce n’est pas une chronique sociale qui est proposée. Le ton reste léger et bon enfant, même si le trait est parfois un peu épais, en particulier en ce qui concerne la vie débridée du benêt roi. De plus, des références – personnages ou scènes d’autres séries – à l’univers de Macherot émaillent l’histoire, ce qui fera le bonheur des spécialistes. Godi s’est lui aussi emparé de ce petit monde. Sans chercher à faire « du Macherot », il en garde bien l’esprit, même si les différences sont notables. Les couleurs signées Laure Godi, proches de celles des intégrales, participent utilement à cet agréable ressenti.
Embrouilles à Coquefredouille a tout pour plaire au plus grand nombre. Les anciens y apprécieront le respect de l’œuvre originelle, tandis que les nouveaux venus y puiseront peut-être l’envie de la découvrir.
Bien sûr, les personnages, les lieux et les dessins sont fidèles à la série originelle. Mais pas l'esprit, et c'est pour moi le plus grave. Zidrou trahit complètement l'esprit de la série et lui enlève toute sa poésie, son insouciance, sa légèreté qui faisaient son charme. Comment ? Tout simplement en parlant ouvertement de sexe, alors que CHLOROPHYLLE est une série destinée en priorité aux enfants de moins de dix ans (et non aux ados, ce qu'il semble avoir oublié). Et qu'on ne vienne pas me parler de nécessité de moderniser la série ! Il est tout à fait possible de moderniser une série sans en trahir l'esprit.
Bref, si vous voulez faire découvrir cette charmante série à vos enfants, je ne saurais trop vous conseiller de vous tourner vers les albums "historiques", ceux dessinés par Macherot, qui allient humour, fraîcheur et poésie.
Une réussite que je note à 7/10. Les auteurs sont parvenus à évoquer l’univers de Macherot par de très nombreuses références à celui-ci (Chlorophylle + Chaminou), tout en développant une histoire dans un style (tant graphique que formel) qui leur est propre. Contrairement à d'autres reprises, j’ai l’impression qu’on atteint ici le bon équilibre, celui qui permet de maintenir vivant l’intérêt la série originelle et de susciter l’envie de s’y (re)plonger.
Par ailleurs, les auteurs ont veillé à faire évoluer l’univers de Macherot en lui apportant une touche de modernité. Par exemple, j’ai beaucoup aimé l’idée de faire fonctionner au bithure de zytron (naguère redoutable explosif, aujourd’hui détourné à des fins civiles) sous-marin, train (adieu la vapeur, bienvenue au locotron qui atteint des vitesses de pointe de 350 kilopeton/h !) et automobiles roulant jadis à l’alcool de menthe. A cela, s’ajoute un important côté parodique que n’aurait pas renié Macherot et qui amène à faire référence à la Belgique contemporaine et sa monarchie, ainsi qu'aux travers de la société actuelle (même si sur ce dernier point, les auteurs en ont peut-être fait un peu trop).
Enfin, le scénario et la trame générale de l’histoire sont plutôt réussis, dans l’esprit de ce que faisait Macherot, même si la seconde moitié de l’album est un peu un ton en-dessous. Quant au dessin, je le trouve assez réussi : de grosses différences par rapport à Macherot dans les personnages principaux, mais des personnages secondaires et des décors qui rappellent le travail du grand Raymond.
L’album s’inscrit clairement dans la foulée de la récente intégrale, ce qui est une bonne idée et une bien bonne nouvelle !
Cet album n'est pas classé à la bonne place dans la bédéthèque.Il serait à sa place à la suite des autres séries concernant le personnage de Chlorophylle.