B
etty est une vieille institutrice à la retraite (et à l’hospice) qui s’apprête à fêter ses 100 ans, les autorités ayant décidé de mettre les petits plats dans les grands à l’occasion de ce centenaire. Particularité de cette pensionnaire un peu particulière : elle a refusé de prononcer la moindre parole depuis qu’elle a été mise à pied suite à la disparition non élucidée de trois enfants dont elle avait la responsabilité. Seul le vieux John, ancien policier en charge de l’enquête à l’époque, entretient encore avec Betty une relation de relative proximité, reliquat d’une certaine ambiguïté qui, à un moment donné, a régné entre eux.
Autour de ces deux figures centrales gravitent quelques personnages plus secondaires. Il est difficile de savoir qu’en penser, tant il est vrai que seuls des instantanés sont offerts aux regards des lecteurs. Au début, la narration est d’ailleurs assez erratique et ce n’est qu’au fil des planches que des liens se tissent et des rapprochements s’opèrent. Les flashbacks aident à mettre en évidence le cheminement de chacun des protagonistes, avec en toile de fond une recherche de la vérité qui ne semble plus préoccuper que quelques rares curieux. Il en résulte un thriller assez lent, impression renforcée par une mise en page très contemplative et un dessin qui, au rendu du mouvement, préfère l’instauration d’une ambiance générale esthétisante, comme si quelque chose couvait et menaçait de rompre l’équilibre en place. Le fin mot de l’histoire constitue ainsi un vrai sommet, une révélation qui ne déçoit pas et ne se réfugie pas derrière des effets de manche.
Malgré tout, une certaine frustration s’installe petit à petit : celle de ne pas avoir eu le temps d’en apprendre davantage sur tout un chacun. Il restera en mémoire des souvenirs fugaces de personnages conservant une part de mystère, dissimulant en partie leur véritable caractère et fuyant toute tentative de réel décryptage. Mais au fond, peut-être est-ce pour le mieux ? Quoi qu’il en soit, cette lecture ne se rapproche d’aucune autre. Une qualité devenue rare et donc d’autant plus précieuse.
Lonely Betty a plutôt une narration assez lourde et indigeste. L’imagerie est assez grossière. Bref, un style artistique que je n’affectionne guère. J’ai pourtant tenu car il faut avancer pour comprendre l’œuvre de manière générale. A un moment donné, on est complètement dans l’histoire pour la vivre jusqu’au bout.
Il est vrai que ce n’est pas tous les jours qu’on fête ses 100 ans. Une femme a été muette pendant 60 ans et elle se met enfin à parler. Il n’est jamais trop tard. Bon, la crédibilité en prendra un sacré coup.
Après, je suis plutôt étonné qu’on mette en cause un écrivain vivant encore célèbre qui va participer à cette mascarade. N’a-t-il pas porté plainte pour diffamation au pays des libertés et des procéduriers ? Apparemment pas. Il doit être dans la combine. En tout cas, ce n’est guère flatteur pour lui. La question serait de savoir si on peut s'amuser de tout ? En l’occurrence, du crime atroce de trois jeunes garçons.
Bref, une œuvre qui s’amuse avec les codes du genre mais qui manque singulièrement de profondeur.