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artino aura passé plus de vingt ans en prison. C'est beaucoup pour un crime passionnel, mais il faut dire qu'il s'était trompé de cible. Maintenant que la société le libère, il va enfin pouvoir faire éclater la vérité. Il a eu tout le temps du monde pour tout bien préparer.
Même si les sirènes du Septième Art l'ont attiré dans ses griffes, Pascal Rabaté n'a pas oublié la bande dessinée pour autant. Ancré dans cet univers provincial cher au créateur des Petits ruisseaux ou de La Marie en plastique, Le linge sale se démarque par une intrigue aux relents de roman noir dans laquelle la folie s'en prend à la bêtise (et vice-versa). Charmant programme ? Oui, car l'auteur n'a pas son pareil pour dresser des portraits truculents et ciseler des dialogues piquants. Malheureusement, le résultat peine à générer autant d'enthousiasme que ses œuvres précédentes. Sans tomber dans la comédie pure, la narration manque de hargne et de violence. Comme le scénariste connaît bien son travail, la lecture est néanmoins entraînante. Par contre, malgré les nombreux épisodes incongrus et la galerie de personnages hauts en couleurs, le récit n'arrive pas vraiment à décoller. Au final, l'ouvrage, qui se résume à une simple histoire de vengeance à laquelle l'urgence de l'écriture d'un Jean-Patrick Manchette ou la précision diabolique d'un Jean Vautrin font cruellement défaut, se referme avec le sentiment de passer à côté de son potentiel dramatique.
Aux pinceaux, Sébastien Gnaedig se retrouve dans la difficile position de prendre la suite de Simon Hureau et David Prudhomme. La comparaison est inévitable et cruelle pour celui-là. Le découpage et la mise en scène sont au point, à défaut d'innover, mais son trait reste la plupart du temps emprunté et bien trop transparent pour décrire adéquatement le mœurs et les sentiments de cette distribution de tarés. À l'instar du scénario, les dessins semblent bloqués dans les starting-blocks, comme paralysé par l'audace de raconter l'énorme.
Faut-il laver son linge sale qu’en famille ? C’est Napoléon qui l’a suggéré en parlant des conflits qui l’opposaient à ses frères et sœurs. Pour autant, Pascal Rabaté et Sébastien Gnaedig titrent leur œuvre le linge sale alors que nous avons en face une famille assez unie. Ayant lu ce récit, je m’interroge sur la pertinence de ce titre pour arriver à la conclusion qu’il est inapproprié. Je sais que généralement le lecteur ne se pose pas ce genre de question préférant intégrer directement la donnée.
Ce récit est en fait un polar qui part du principe qu’un condamné pour double meurtre sort de prison pour bonne conduite et s’apprête à récidiver pour tuer toute une famille du gamin à la grand-mère en n’oubliant pas le couple adultérin de l’époque. Certes, c’est une famille de neu-neu respirant la France profonde mais tout de même. Là encore, je m’interroge sur le postulat que cela implique et je peux dire que cela fait peur. Mais bien entendu, on peut encore faire abstraction.
Maintenant, le récit est plutôt bien construit et nous mettra en haleine jusqu’à la fin bien qu’on ne s’attachera à aucun des protagonistes à moins d’avoir l’état d’esprit bidochon ou sérial-killer. Mais bon, passons encore.
Une bd très intéressante pour découvrir les coins perdus des environs de Cholet. C’est passionnant à souhait: non, je rigole à l’image de cette comédie très cynique voire pathétique par moment. Les auteurs ont bien entendu fait exprès de grossir le trait. Le final réservera là encore des surprises par une petite pirouette scénaristique. Bref, les histoires de tromperie finissent mal en générale.
J'ai beaucoup aimé cette histoire de vengeance sans concessions. Ici tous les protagonistes ont quelque chose de pourri : magouilleurs de tout poil contre taulard absolument pas repenti, voici ce qui vous attend ici. Totalement immoral, ce récit vous immergera dans une fange social reposant sur un lit d'emmerdes en tout genre. Vraiment chouette en fait !