Q
ue de chemin parcouru depuis son village d’Afrique subsaharienne pour Talino. Là, dans les toilettes d’une boîte de nuit de Marseille, les images s’entrechoquent. La douleur, la peur, les combats et toujours Anouar, l’âme damnée par qui tout est arrivé. Mais maintenant, cela suffit. Talino veut trouver la voie de la liberté, se libérer de la terreur dans laquelle son aîné l’a enfermé. À défaut de tuer le père, le frère doit disparaître.
Clément Baloup a choisi d’évoquer un sujet fort et extrêmement sensible : les enfants soldats. Il le fait en bâtissant un scénario particulièrement éprouvant. Le lecteur ne doit pas s’attendre à un documentaire. Il n’y a là aucune analyse géopolitique – ni dates, ni lieux précis ne sont donnés –, aucun pamphlet sur les stratégies occidentales en Afrique. Cette fiction se centre sur le destin d’un être afin de faire ressentir ce que subissent ces gamins enrôlés dans les milices para-militaires. Ils sont drogués et conditionnés. Ils ne vivent que sous les règles de la violence, celle qui leur est infligée pour mieux apprendre à la donner. Soumis continuellement à ce régime, ils n’ont aucune chance de se construire et se transforment en morts-vivants dans lesquels l’enfant qu’ils étaient continue de pleurer d’effroi.
L’histoire – parcours initiatique d’un être qui veut échapper à l’horreur et exister – est rude et cruelle. La narration est très sèche et, constituée d’une suite de drames, elle offre peu de répit. Certes, cela correspond à l’objectif recherché – un récit coup de poing – mais il pourra être regretter une sorte de surenchère qui entraîne les protagonistes dans des événements qui ne manqueront pas de rappeler les révolutions des printemps arabes, les conflits du Moyen-Orient ou encore la condition des migrants échouant à Lampedusa.
L’impact de cet album est renforcé par le dessin de Christophe Alliel. Loin du style employé pour Spynest, il adopte un trait réaliste, une mise en scène faite de grandes cases où il insiste sur l’expressivité des personnages et la tension des situations qu’ils vivent.
Peut-être un peu déséquilibré dans sa construction, ce livre n’en demeure pas moins percutant et dérangeant. Mais n’est-ce pas le cas de beaucoup de vérités ?
J'ai rarement lu une bd avec des qualités intrinsèques aussi éclatantes sur ce sujet. C'est une Afrique noire bien sombre que l'on découvre au travers de ces soldats enfants mercenaires. Faut-il être une espèce de non-voyant ou un jeune-vieux provenant d'une autre planète pour ne pas le voir ? Chacun ses goûts dirait l'autre. Ames sensibles s'abstenir.
Le ventre de la hyène nous prend aux tripes avec des personnages charismatiques qui crèvent l'écran. On ne demande pas de les aimer. Le propos se situe ailleurs. Cela sera sans aucune concession jusqu'au final émouvant ou éprouvant. La violence sera omniprésente mais sans tomber dans le spectaculaire. On est pris par le récit sans jamais le lâcher.
La hyène n'est pas un animal sympathique. Ce qui ressort de son ventre ne peut pas être divin, on l'aura compris. La haine est comme une maladie qui ravage le coeur des hommes. Ce parcours initiatique de ces deux frères méritent le détour car c'est réellement impressionnant de réalisme. J'aime cette forme de maturité dans la bd moderne.
Pas mal, mais ne prend pas aux tripes.
Ce fut un bon moment de lecture, mais quelques petites choses me chagrinent :
. l'histoire ne prend jamais aux tripes, malgré le propos gravissime qu'elle aborde ;
. l'histoire est inventée (et pas inspirée de personnages existant), ce qui enlève clairement de la force au propos. Le fait de pouvoir me dire que l'histoire était basée sur des faits réels, quitte à ce qu'elle soit moins "extraordinaire", m'aurait un peu plus happé.
Reste la fin de l'histoire, vraiment très bien amenée, même si elle reste classique de nos jours.
Pour ma part, grosse déception. Je n'ai pas réussi à éprouver de l’empathie pour les deux personnages principaux, peut être simplement parce qu'au fond, on ne les connait pas. Du coup, je suis resté très extérieur. De plus, leur caractérisation est restée vraiment trop basique.
Quand aux graphismes, si certaines cases sont plutôt bien réussies, d'autres sont (à mon goût) franchement loupée, avec des problèmes de profondeur et de proportions très dérangeants... De plus, la réalisation est parfois confuse : j'ai eu du mal à comprendre ce qu'il se passait et les flashs-backs ne sont pas toujours bien amenés.
Le thème reste néanmoins très intéressant.
Superbe ouvrage. La réalité que peut être celle des enfants soldats est parfaitement illustré. Les dessins, les couleurs, l'ambiance générale prend aux tripes. Sombre et violent, mettant en avant le tiraillement intérieur entre l'amour d'un frère et l'amour de la vie. Existe t-il un compromis entre vivre libre ou asservie psychologiquement ?
Avec une fin "coup de poing dans la face".
Effectivement certains passage auraient mérités un traitement plus long. Mais c'est surtout que lorsque c'est bon, on voudrait que ça dure.
Pas mieux que SAO qui nous dit tout (et bien). Les auteurs auraient presque pu faire 2 tomes. En tout cas, bel uppercut à la lecture de cet album.
Voilà une œuvre à ne pas laisser entre toutes les mains. Sans en faire de trop, on nous présente malgré tout la réalité des enfants soldats, sans concession. Les meurtres de leurs propres familles qui déshumanisent les enfants, les rapts dans les villages, la manipulation de ces mêmes enfants ; leurs faisant croire qu’ils combattent pour la liberté puis leurs promettant richesses et pouvoir. L’itinéraire de ses deux frères, dont l’un est tout simplement vendu aux rebelles nous permet de comprendre faute d’excuser les exactions et les massacres perpétrés par des âmes qui sont encore en devenir. Sans vous en révéler plus ce one-shoot aborde un sujet rarement exploré de la misère de ce monde avec réalisme et sensibilité.
Le dessin de Chris Alliel, bien que reconnaissable, semble basculer dans une autre dimension. Comme si il avait fallu plus de sérieux pour traiter le sujet sensible de Clément Baloup. Loin de SpyNest on découvre un trait plus sombre, des visages qui portent la douleur des épreuves et des environnements, soucieux du détail. Le Phocéen n’a pas manqué les quartiers troubles de sa ville qui offre un contraste marqué avec les forêts de l’Afrique. Les passages entre mysticisme chamanique et réalité des villes nord-africaine rythment la lecture comme dans un état second. Ivre de la fumé et des drogues injectées dans les corps encore adolescents. Les scènes de viole, d’exécution sont ici retranscrit avec la pudeur nécessaire qui sert le scénario et nous permet de ne pas tomber dans le voyeurisme. Un exercice qui devrait ouvrir de nouveau horizon à Chris qui n’en manquait pas.
Les couleurs de l’album de Sebastian Facio sont superbement bien inspirés. Je dois reconnaitre que je n’étais pas fan de la couverture en numérique, mais une fois en main celle-ci est hypnotique. Les aplats nous permettent de nous concentrer sur l’essentiel : les personnages.
Vous l’avez compris un On-shoot qui s’impose donc. Je me suis demandé tout au long de l’histoire comment celle-ci pouvait se conclure. Je vous défis de le deviner avant les dernières planches. Seul reproche, « la période Française », un peu courte à mon gout.