L
a mort d’Anna a plongé Tom dans une apathie à laquelle il ne peut se soustraire. Ils n’iront jamais à Madras ou Colombo. Alors, il partira seul, n’importe où, pour peu que l’oubli le submerge. Ainsi, par le plus pur des hasards, débarque-t-il à Djibouti.
Les rivages de l'Est de l’Afrique stimulent toujours les imaginations car, après Kililana Song de Benjamin Flao, Joël Alessandra vient à son tour caboter le long des côtes djiboutiennes.
Pure fiction ayant – d’après son auteur – quelques attaches dans la réalité, Errance en mer Rouge est un one-shot à la croisée des chemins. Successivement introspection psychanalytique, carnet de voyage et songe éveillé, il évite cependant d’habile manière nombre de clichés. Si une balade dans le golfe d’Aden impose de croiser le fantôme de Monfreid - lui qui fit découvrir à ses contemporains les fragrances de l’interdit, subtil amalgame d’odeur de poudre, de sel à fleur de peau et d’effluves entêtantes de haschisch -, le scénario va plus loin. Là où le convenu aurait fait que les choses s’arrêtent, il mélange passé et présent, danger et envie, pour projeter son héros dans le feu de l’actualité, en le confrontant à ses contradictions et aux pirates somali.
Mirage de la résurrection, utopie du nouveau départ, soif de véritable aventure ou simple besoin d'oublier, Tom porte en lui des tentations que bien peu osent assumer. Pour l’occasion, Joël Alessandra réalise un travail qui sait marier les genres et révéler la complexité d’une situation géopolitique ayant perdu la part de rêve qu'elle portait en elle. Croquis, aquarelles colorées et photos s’hybrident en un récit qui tient à la fois du dessin de reportage, comme sur Fierté de Fer, et de la bande dessinée au sens le plus classique du terme.
Au final, un bel album de cent vingt planches qui - au-delà de la qualité intrinsèque de son illustration - aurait mérité d’approfondir encore plus les relations que Tom noue avec l'Afrique de Conrad, Kessel et consorts.
Il s’agit d’une histoire vraie, celle d’un professeur d’art plastique qui perd sa compagne et qui part enseigner à Djibouti afin d’oublier la souffrance causée par son chagrin. Il va faire une rencontre qui va chambouler sa vie jusqu’ici bien tranquille. La Corne de l’Afrique est encore une de ces zones où tout est possible. Le célèbre poète Rimbaud a terminé sa vie en qualité de trafiquant. C’est dire !
On s’aperçoit qu’il n’aime pas trop son métier car la matière art plastique est plutôt boudée par les élèves au profit des mathématiques ou d’autres disciplines plus porteuses. Il est vrai qu’on se demande dans ces conditions pourquoi il a voulu enseigner. Mais bon, passons ! Au début, on est bouleversé avec lui à la perte d’un être cher. La fuite ou l’ouverture sur le monde peuvent-elles constituer un remède ?
Sur la forme, c’est un bel objet à la manière d’un guide touristique avec des croquis sur les personnages rencontrés ou les lieux visités. Il y a un incontestable beau travail graphique. Sur la culture locale, on apprendra des choses mais pas des masses.
Sur le fond, l’aventure restera assez classique et parfois même assez superficielle. On aura droit à une explication peu convaincante sur les origines de la piraterie en Somalie. Oui, en effet, les puissances occidentales n’auraient pas hésité à profiter du chaos du pays afin d’exploiter les richesses de l’espace maritime. Oui, c’est encore nous les vilains exploiteurs. Heureusement que je ne gobe pas tout ce que je lis…
En conclusion et contre toute attente, j’ai plutôt aimé cette oeuvre qui oscille entre le carnet de voyage et le thriller géopolitique.