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’ayant pas pu obtenir le visa espéré, Kamel décide de jouer sa dernière carte pour rejoindre la France. Il embarque clandestinement à Alger avec un groupe d’hommes et débarque deux jours plus tard à Marseille. Ayant échappé de peu à la police, il monte dans le premier train en partance et s’enferme dans les toilettes. Alain, contrôleur de la SNCF, ne tarde pas à l’y découvrir et choisit de fermer les yeux. Après un coup de pouce pour quitter la gare sans encombre, il pense en rester là, mais Kamel n’a personne vers qui se tourner à Paris et, malade, ne peut retrouver son cousin en Provence. Alain décide de l’héberger en le faisant passer pour un collègue. Tout va bien, jusqu’au jour où…
Et vous, qu’auriez-vous fait ? Telle est la question que Jérôme Piot pose tout au long de Frères d’ombre et qui continue à retentir bien après que la dernière page a été tournée. Abordant de nombreux thèmes aussi délicats que l’immigration, les exactions françaises durant la guerre d’Algérie ou le terrorisme islamiste, le scénariste mène brillamment la danse. Son récit ne souffre guère de temps mort, le rythme s’accélérant de plus en plus à mesure que l’intrigue progresse et s'intensifie. Les personnages principaux se voient ainsi toujours davantage bousculés, malmenés par des événements qui leur échappent et emportent le lecteur avec eux, dupé qu’il est, un instant, par certaines apparences trompeuses. Tout à fait juste, le ton de cette aventure palpitante révèle l’essentiel du propos : ici, l’important, c’est l’humain, dans sa réalité objective, bonne ou mauvaise, au-delà des préjugés ou d’une psychose trop bien installée. Le dessin de Sébastien Vassant accompagne agréablement la narration. S’affranchissant des limites étriquées des cases, son trait semi-réaliste et expressif habite et habille les planches qui s’avèrent d’autant plus denses que les dialogues les remplissent par moments sans retenue. Enfin, la colorisation un peu terne convient plutôt bien à l’atmosphère générale de cette histoire.
Un one-shot des plus prenants qui se lit d'une traite et amène à réfléchir. À découvrir.
C’est un récit que j’ai trouvé assez généreux au départ puisqu’il s’agit pour un contrôleur SNCF de jouer au bon samaritain en protégeant un sans-papier venant d’Algérie. Le contexte est celui de l’après 11 septembre à un moment où la paranoïa frisait son comble. Tout ce qui était musulman était suspect.
Par ailleurs, la France possède un lourd passé vis-à-vis de l’Algérie. Ce sont les relations entre ces deux peuples qui seront évoquées au travers de cette histoire concernant le parcours d’un homme. Il est vrai que cette fraternité est belle à voir sur le papier. Cependant, le récit va s’éterniser et la dernière partie prend une tournure peu convaincante. Je n’ai pas apprécié cette rallonge inutile et cette surenchère de péripéties sur fond de suspicion aux actes terroristes.
Il y a par ailleurs des moments trop beaux pour être vrais. C’est sympathique à outrance au point de manquer de crédibilité. Les auteurs voulaient faire passer un beau message de fraternité. Cela peut prendre ou pas. J’aurais tendance à y croire mais je suis sans doute trop naïf.