24 février 1525. Dans la plaine de Pavie, la bataille fait rage. Chevauchant au milieu de ses soldats, François Ier s’attend déjà à célébrer sa victoire. Mais, sous le couvert des arbres, les arquebuses des troupes impériales entrent dans la danse et tout bascule. Pris à revers, le monarque est bientôt encerclé et capturé. Le soir même, il est confronté à son vainqueur : Charles de Bourbon, grand seigneur et ex-connétable du royaume passé à l’ennemi. Toute la nuit, les deux hommes vont deviser, évoquant leurs souvenirs communs : ceux d’une amitié désormais enterrée par l’orgueil et la traitrise.
1515, Marignan ; voilà une des quelques rares dates dont les Français se souviennent encore assez bien, l’associant à un brillant succès. Néanmoins, peu s’en remémorent une autre, au moins tout aussi importante et symbolique : 1525 qui vit la défaite et la capture du triomphateur d’hier. C’est pourtant sur cet autre affrontement que s’ouvre Histoires de France. Cosignée par Lorànt Deutsch (comédien, acteur et auteur de Métronome), qui en est l’instigateur, et Sylvain Runberg, cette série vise à narrer les parcours de paires de personnages, certains illustres, d’autres moins connus, dont les actions et les choix ont eu une incidence non négligeable sur la construction de l’Hexagone. Ainsi, le premier tome est consacré à François Ier (1494-1547) et Charles III de Bourbon (1490-1527), longtemps considéré par ses détracteurs comme étant un des pires traitres à son pays.
Débutant par une longue scène de combat, l’album se poursuit par la rencontre entre ces chefs qui eut effectivement lieu, après la bataille, mais dont le contenu demeura secret. Les co-scénaristes en proposent leur vision, tentant par là de répondre à une question cruciale : qu’est-ce qui poussa l’ancien chef des armées royales à changer de camp et à s’allier au rival de toujours, Charles Quint ? Au moyen de flashbacks, ils éclairent la relation qui unit leurs protagonistes, tout en offrant des pistes expliquant ce retournement d'allégeance. Prenant soin de signaler les aspects humains qui ont pu entrer en ligne de compte dans la décision du connétable, ils dressent un portrait circonstancié de celui-ci et de sa vie. Conservant une certaine neutralité, les auteurs ne l’enfoncent ni ne le glorifient, préférant donner toutes les cartes au lecteur pour qu’il se fasse une opinion du personnage qu’ils replacent dans les contextes et les enjeux de son temps.
Davantage destiné vers les amateurs d’Histoire, le propos manque malheureusement du souffle épique qui aurait pu lui conférer une dimension plus palpitante et, éventuellement, attirer un plus large public de bédéphiles. Les ingrédients qui auraient permis à l’alchimie de fonctionner sont pourtant présents, à commencer par les jeux de pouvoir qui sous-tendent cette affaire. Il faut se contenter de l’ouverture, réussie, et du dénouement, grandiose dans sa fatalité, pour que l’effet du destin extraordinaire raconté se fasse vraiment sentir. Le dessin d’Eduardo Ocaña, mis en couleurs par Luca Merli, accompagne assez bien l’intrigue, campant d’une manière toute personnelle les différents intervenants et livrant quelques jolies planches, en particulier celles où l’action bat son plein.
De facture honorable, XVIème siècle – François Ier et le connétable de Bourbon constitue une lecture qui intéressera surtout les passionnés de récits historiques, faute de posséder ce petit plus qui aurait pu en faire une grande et appréciable fresque.
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