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n pour cent de l’humanité détient quarante pour cent des richesses du globe. Par quel tour de passe-passe prodigieux, les quatre-vingt-dix-neuf restant acceptent-ils de laisser la majeure part du fruit de leur travail à cette minorité ? À cette question vieille comme le monde viennent s’ajouter de plus angoissantes et plus pressantes interrogations. Et si cette folle fuite en avant d’un système financier autiste, aveugle et sourd aux préoccupations sociales, si cette exploitation frénétique des ressources sans contrôle ni souci du lendemain, si cette déshumanisation croissante de l’activité économique allaient jusqu’à mettre en péril La survie de l’espèce ?
Ex-anthropologue, ex-analyste financier, l’essayiste Paul Jorion s’est retrouvé sous les projecteurs médiatiques lorsque en 2007 a éclaté la crise des sub-primes qu’il venait de théoriser dans un livre, désormais célèbre. D'emblée, il est devenu « celui-qui-a-prédit-la-crise », surfant ensuite sur cette notoriété pour enchaîner les pamphlets mettant à mal l’orthodoxie financière, telle qu’elle est véhiculée sur les ondes par les experts de tout poils professant habituellement la bonne parole du libéralisme. Ses positions tranchées, son parcours hors cadre, lui valent de solides inimitiés chez les tenants de l’ordre établi et une admiration sans borne dans les mouvements alternatifs. C’est en fidèle suiveur de son blog que le co-auteur, Grégory Maklès, un fan de la première heure, a l’idée de cette mise en images des théories de Jorion. De l’avis de ce dernier, le résultat dépasse en efficacité tout ce qu’il attendait d’une bande dessinée, grâce aux métaphores et aux symboles percutants imaginés par le dessinateur. Et force est de reconnaître que c’est-là la réussite principale du livre : rendre parfaitement intelligibles des mécanismes monétaires complexes, emberlificotés à dessein, et soudainement limpides et flagrants aux yeux du profane.
Après un rapide historique de la « fabrication du consentement » à travers les âges, le duo s’attache à démonter les principaux ressorts de l’affairisme moderne, des cotations boursières les plus banales aux manipulations spéculatives les plus opaques. Quelques personnages symboliques guident le lecteur dans ce voyage au bout de l’enfer - vert, celui du dollar évidemment, seule couleur employée dans tout l’album d’ailleurs. Avec par ordre d’apparition : le trader sociopathe, l’anonyme bonhomme légo salarié, le capitaliste en gibus et redingote, le colonel-patron, l’affreux journaliste gauchisant et Junior, fils du capitaliste, faisant office de candide au fil des chapitres. À côté de ce casting sympathique, nombre de figures emblématiques de la culture populaire viennent faire une pige au service des démonstrations éclatantes et ironiques des auteurs. S’y trouvent pêle-mêle un Rahan gringalet, Nicolas et Pimprenelle, le trombone horripilant de Windows 2000, Terminator, Liliane Bettencourt, autant de sous-entendus humoristiques augmentant l’impact du discours.
Efficace également, sans affèteries inutiles, le dessin vigoureux de Grégory Maklès sait générer l’émotion avec simplicité, faire sens avec verve, bousculer les neurones par ses rapprochements inattendus. Une belle inventivité, une fantaisie même, rafraîchissante au vu du sujet évoqué. Par delà le trait sobre, synthétique, voire minimaliste qui prévaut majoritairement, certaines cases ou planches sont traitées avec un soin particulier de l’encrage et des ombres, créant un bel effet d’arrêt sur image, pauses salutaires avivant les sentiments.
Qu’il soit altermondialiste militant ou simple citoyen concerné par la marche du monde, désireux d’éclaircir les dessous d’un discours économique volontiers abscons – comme la lune – et de comprendre les enjeux de notre époque, le lecteur trouvera nombre de réponses à ses questions dans cet essai satirique salutaire. Pas toutes les réponses, certes, la – relative – brièveté de l’ouvrage ne pouvant prétendre à l’exhaustivité de traitement qu’un tel sujet mériterait. Un futur tome 2 ?
Nous avons une bd qui est sur un ton assez humoristique afin de décortiquer les mécanismes du capitalisme et de critiquer ses effets notamment les inégalités sociales à savoir ces fameux 1% qui détiennent presque la totalité des richesses de la planète.
On peut être sensible à ce message altermondialiste mais ne pas aimer cette bd trop bavarde qui se perd dans beaucoup de considérations sirupeuses. La lecture n’a pas été très agréable même si la forme est plutôt encourageante. Bonne idée par exemple que d’avoir remplacé les gens ordinaires par des Playmobils.
Le message est là (par exemple la loi du plus fort) mais la mise en scène ne m’a pas trop convaincu en raison de répétitions et d’impression de raisonnement inachevé. Les idées peuvent être également présentées de manière fort caricaturale sans aucune nuance. Je n’apprécie pas non plus cet humour grinçant. Bref, je n’ai pas accroché plus que cela.
Une autre bd traitant du même sujet pourra sans doute faire mieux. Je conseille par exemple Economix.
"Dis, papa, pourquoi on est pauvre?""Tiens, lis "La Survie de l'Espèce, tu comprendras pourquoi et arrête de poser des questions désobligeantes ici au camping." Amis étudiants en économie, cette BD est faite pour vous. Vous en reviendrez aux bases de ce qu'est l'argent et toutes les relations humaines qu'il sous-tend.
"La survie de l'espèce" est d'un genre nouveau pour moi en BD car il s'agit d'un essai. Un auteur spécialiste du monde économique s'associe à un dessinateur de BD pour pouvoir laisser libre cours à ses réflexions sur les mondes économique et financier actuels. Plus que jamais dans l'air du temps.
L'auteur nous fait part de son point de vue sur l'évolution de la situation financière. Les rôles joués par le capitaliste, le patron et le travailleur. Chaque personnage est représenté d'une façon caricaturale: le capitaliste c'est le monsieur en haut de forme du Monopoly, le patron en costume de général, les épaulettes au logo du signe dollar et le travailleur en personnage standardisé et remplaçable à souhait du Lego. Plus loin, le capitaliste sera représenté en parieur de courses de chevaux, le patron en jockey et le travailleur en cheval (pas de gain mais nourri, logé et rassuré d'avoir un toit).
Il m'a particulièrement sauté aux yeux que l'auteur ne cherche pas à faire du communisme primaire (patrons, tous pourris) mais bien un vrai état des lieux le plus objectif possible de notre économie actuelle. Il est aussi à noter qu'il ne s'agit pas d'un ouvrage qui cherche à vulgariser une suite de termes compliquées de la finance actuelle mais au contraire à expliquer pourquoi l'argent existe et pourquoi il y a des mouvements d'argent et aussi pourquoi ce sont toujours les mêmes qui en profitent.
C'est un plaisir de redécouvrir les principes de base des échanges d'argent mais avant tout, cette BD est férocement très drôle. D'un humour particulièrement cynique, amoral et parfois cruel, mais ô combien bon au fil des pages. Le vocabulaire coloré utilisé par l'auteur n'est pas étranger à la franche poilade que constitue cet album.
Le dessin est d'un attrait second dans cet album. Il s'agit d'une sorte de crayonné sans trop de chichi dans les décors. Il va droit à l'essentiel et permet par cela de mettre en évidence de façon vive les nuances du scénariste, ce qui renforce le propos de l'auteur car on voit directement où il veut en venir. A noter que les couleurs sont le noir et le blanc avec une seule exception couleur : celle du vert d'un billet bien connu.
A lire absolument. Il pourra toujours vous aider dans les soirées mondaines à faire bonne figure dans les discussions financières en évitant de trop insister sur le rôle du capitaliste, car dans les soirées mondaines, c'est qu'il y en a.
C'est bien fait, bien dessiné et plutôt didactique sur les dérives de la finance. Une jolie découverte meme si ça n'est pas tres rassurant sur l'avenir de notre monde capitaliste...
Une critique au vitriole du monde capitaliste et de ses principes. Une écriture jubilatoire qui fait qu'on rit beaucoup, bien que ce soit de notre propre malheur. L'album s’essouffle un peu à mi course quand on entre dans des sphères plus "techniques" de la finance mais sa lecture reste un très bon moment.