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ne impasse tranquille, loin de la rumeur de la ville. Quelques immeubles modestes, des locataires qui se saluent, presque un village en fait. Il y a là Louis, collégien timide, et son papa, muré dans le silence et le chagrin depuis la mort de sa femme. À l’étage au dessus, Lucie. Quarante ans de ménages, une retraite minuscule pour survivre. À côté, Irina, ancienne ballerine, qui ne danse plus que pour elle seule et un public factice. En face, son soupirant secret, Monsieur Armand, jovial bibliophile qui prête ses livres à tous les habitants du quartier. Un peu plus loin, Paul, austère employé des chemins de fer, récemment muté aux objets trouvés et qui trouve inconvenant son collègue heureux de sa petite vie banale. Six destins ordinaires, six individus anodins, six petites gens. Six personnages en quête de hauteur ?
Vingt-quatre heures durant, le lecteur verra se croiser, se nouer, les fils de ces vies autrement plus riches qu’il n’y paraît. Laissant chacun des protagonistes dans un état bien différent de ce que leur morne quotidien laissait présager. De rencontres décisives en résolutions nouvelles, chacun d’eux s’arme de courage pour chambouler son horizon, bousculer ses habitudes, briser l’enfermement routinier. De toute évidence, Vincent Zabus a longuement peaufiné les caractères de ses héros, patiemment construit la mécanique de leurs aventures, comme le montre la justesse des portraits ainsi dressés et la rigueur de l’enchaînement des séquences. Récit choral par excellence, les noms de Davodeau, de Rabaté, ne manquent pas de venir à l’esprit en découvrant cet album débordant de tendresse et d’humanisme.
Amélie Poulain n’est jamais bien loin non plus, que ce soit dans cette façon poétique, un brin surréaliste, de concevoir les destinées humaines, ou dans le traitement graphique lui-même, avec ces couleurs chaudes inondant une cité idéalisée. Le trait simple de Thomas Campi, jeune dessinateur italien, est en adéquation parfaite avec le sujet : l’encrage fin à la plume participe de l’ambiance naïve, hors du monde, qui baigne cette histoire. Un trait fin qui donne de la légèreté et de la fluidité à la lecture, malgré les décors précis qui peuplent les cases.
Fable moderne et intemporelle, ode à la bienveillance des Petites Gens, voilà un album formellement réussi qui séduira sans peine ceux qui ont foi en la simplicité et la tendresse des relations humaines.
Voilà une bd sans prétention qui explore la vie de simples citadins sans aucune fioriture. Simple ne serait pas réellement le mot qui convient car leur vie est un peu plus compliquée que cela. Ainsi, un père et son fils ont du mal à communiquer depuis la mort de la mère. Une vieille dame abandonnée par sa famille est réellement désespérée au point d’envisager le suicide. Un vieil homme tombe amoureux mais n’ose pas déclarer sa flamme à la voisine d’en face. Des situations concernant de petits gens qui vont évoluer dans le bon sens de la lecture.
Il manque cependant un peu de piquant dans les relations entre les personnages et de la manière dont sont amenés les évènements. J’aurais espéré un peu plus de passion afin de rendre l’ensemble un peu plus captivant. Finalement, je suis passé complètement à travers car les personnages ne m’ont pas donné l’envie de s’intéresser à leur vie. Je suis pourtant de manière générale assez réceptif à la psychologie des protagonistes lorsque je lis une histoire.
Il manque la flamme, ce petit plus qui ferait toute la différence. Il y a des scénaristes qui vous donnent envie de suivre des personnages car ils mettent les formes. En l’occurrence, c’est d’une platitude à toute épreuve. Le dessin ne brille pas non plus de tout son éclat ou du moins, le graphisme ne me convient guère. Au final, cela n’apporte pas grand-chose à l’édifice.