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im, Joey, Harvey, Lisa, quelques gamins parmi des dizaines de milliers, drainés au fil des années par les convois de l’Orphan Train Society vers les terres de l’Ouest, avides de main d’œuvre docile et de bras pour bâtir le pays. En cette deuxième moitié du XIXème siècle, les bonnes âmes de la haute société new-yorkaise se piquaient de philanthropie et de charité chrétienne, finançant un vaste programme de placement d’enfants sans parents, dans les familles du Middle West. Cette migration unique en son genre perdura pendant soixante-quinze ans, près de 250 000 orphelins furent ainsi transplantés.
L’histoire concoctée par Philippe Charlot débute en 1920, par le voyage d’une fratrie laissée sur la pavé par son bon à rien de père, cheminant parmi une nuée d’autres laissés-pour-compte vers les bourgades industrieuses où les attendent les familles d’accueil, employeurs abusifs pour les uns, parents aimants pour les chanceux, loterie incertaine pour tous. Visiblement soucieux de conjuguer la fiction au réalisme quasi-documentaire, le scénario est parfois un rien alambiqué et artificiel, dans sa volonté de présenter un large panel de situations, d’embrasser un maximum de destinées. Heureusement, le trait reste peu appuyé, et les touches d’humour achève de rendre plaisante une lecture déjà réjouie par la découverte du sujet et une intrigue pleine de secrets. Car le temps narratif est double, la quête contemporaine d’un vieillard – qu'on devine être l’un des enfants déplacés – à la recherche de son passé entrecoupe la trame principale, jalonnant d’indices épars un mystère allant s’épaississant jusqu’au final de cette première partie du diptyque. Entre temps, toute une galerie de personnages, ridicules, attachants, cruels, inquiétants, espiègles, viennent donner vie et chaleur à ce tableau évocateur d’une page méconnue de l’Amérique.
Animant de son style si reconnaissable un récit taillé sur mesure pour lui, Xavier Fourquemin (Miss Endicott, Le Changeling) se montre une nouvelle fois à l’aise avec la fiction historique, décors et costumes d’époque sont croqués avec naturalisme et simplicité. Tout au plus peut-on s’étonner des proportions étranges des plus jeunes pensionnaires, qui ressemblent plus à des enfants miniatures qu’à des bambins à peine sortis des langes. Cependant, de belles trognes pittoresques viennent contrebalancer ce menu défaut.
Bref, une intrigue intrigante, une tragédie méconnue, une pléiade de héros, aucune raison de bouder son plaisir.
LE TRAIN DES ORPHELINS relate un pan de l'Histoire des Etats-Unis totalement méconnu : celui de la déportation massive d'enfants orphelins vers l'Ouest au cours de la seconde moitié du XIXème et début du XXème siècle. Le fait qu'il s'agisse d'un fait historique avéré et oublié donne tout son intérêt à la série, qui malgré un dessin plaisant, pèche malheureusement par un scénario trop convenu et sans réel suspens. Toutefois le plaisir à la lecture demeure, et c'est bien là l'essentiel.